Le constat

L’agriculture française est en péril et avec elle, le savoir-faire des cultivateurs et éleveurs, la richesse de nos paysages et l’avenir de notre tissu rural.

A. Nos agriculteurs ne peuvent plus vivre de leur métier : une crise économique et sociale d’une ampleur inédite

Selon la Commission des comptes de l’agriculture, les revenus des agriculteurs ont baissé de 10,6% en 2019 entraînant une désaffection alarmante pour la profession, qui a perdu la moitié de ses effectifs en 25 ans.

Alors que 50 % des agriculteurs vont partir en retraite dans les 10 ans, avec des taux de remplacement moyen sur les dernières années de 75 %, et la baisse constante de leurs effectifs en raison de leur sous-rémunération, notre souveraineté alimentaire est en grand danger.

Il y avait encore plus d’un million de fermes à la fin des années 80, 664.000 en 2000, contre moins de 450 000 aujourd’hui. Le nombre d’éleveurs laitiers a lui diminué de plus de la moitié dans l’Hexagone, passant de 120.000 à moins de 52.000 en 2019.

En 2018, 25.698 nouveaux cotisants à la Mutuelle sociale Agricole se sont installés tandis que 30 .283 ont quitté la profession.

C’est aussi la principale explication de l’augmentation du nombre de suicides d’agriculteurs – la MSA en a recensé 372 en 2015 (auquel il faut ajouter 233 ouvriers agricoles), soit un tous les jours – qui symbolisent la mort de la profession elle-même.

B. Nos terroirs et notre autosuffisance alimentaire menacés

Nos industries agro-alimentaires ont perdu ces dernières années des parts de marché à l’export, la France rétrogradant du premier au troisième rang européen derrière les Pays-Bas et l’Allemagne. De surcroît, les productions françaises sont davantage exposées à la concurrence des pays émergents. Les raisons en sont simples : normes sanitaires plus exigeantes qu’ailleurs, coûts salariaux plus élevés, manque d’investissement dans la modernisation de l’outil de production, absence de stratégies collectives, obstacles sanitaires et phytosanitaires à l’export… La plupart des agriculteurs subissent de plein fouet ces changements, dont les ministres de l’Agriculture successifs n’ont été, par leur impuissance volontaire, que les complices.

La surproduction de viande de porc en Europe, dans un contexte de diminution de la consommation mondiale et de l’explosion du dumping pratiqué par nos concurrents (y compris dans l’Union Européenne), a ainsi provoqué l’effondrement des prix. Identique, la situation de la viande bovine est aggravée par l’afflux de vaches laitières abattues à cause de la crise du lait.

Le marché français connaît également une chute du prix du lait du fait d’importations massives en provenance de pays à bas-coûts de production, peu regardants sur les normes et n’ayant aucun besoin d’aménager leur territoire à travers une agriculture vivante.

Si rien n’est fait, les exploitations familiales vont disparaître, pour laisser la place à une production industrialisée, détenue par des sociétés anonymes. Au lieu de parcelles à taille humaine avec des fermes disséminées, notre campagne verra ses dernières haies disparaître et les nombreuses exploitations familiales qui jalonnent le territoire seront remplacées par d’énormes usines d’élevage, aggravant la désertification et la pollution des campagnes.

Que restera-t-il alors de la France, privée de ses agriculteurs, sève de ses campagnes, et de son tourisme rural ?

D’autant que les acquisitions foncières à prix d’or par des multinationales, notamment chinoises, se multiplient sans que les pouvoirs publics se donnent les moyens de réagir. Se dessine ainsi un mouvement de fond mortifère : le remplacement des exploitants par un prolétariat agricole importé, le départ de nos productions en Chine (qui compte 20% de la population mondiale mais seulement 8% des terres arables), l’obligation d’importer ce que nous ne cultivons plus, la perte de notre identité rurale…

L’agriculture française mérite mieux que cette trahison en forme d’euthanasie programmée. La campagne présidentielle doit sonner le coup d’arrêt définitif à ce saccage d’un de nos atouts les plus précieux, un des rares secteurs de l’économie française en excédent commercial, si mal valorisé.

C. Des ressources inestimables insuffisamment mises en valeur

La qualité et l’authenticité des produits alimentaires français sont si appréciées que notre gastronomie est entrée au patrimoine de l’Humanité en 2010. C’est ce sur quoi il faut s’appuyer, tout en corrigeant les désordres relevés précédemment, pour favoriser une agriculture de qualité, diversifiée, doublant ses exportations de circuits courts et répondant au nécessaire rééquilibrage des habitudes alimentaires.

D. La lourde responsabilité de l’Union Européenne

En 1962, la Politique Agricole Commune (PAC) entre en vigueur. Impulsée par la France, cinq objectifs lui sont assignés :

  • Accroître la productivité de l’agriculture par sa modernisation,
  • Assurer un niveau de vie viable aux agriculteurs par leur travail,
  • Réguler les aléas du marché,
  • Réaliser l’autosuffisance alimentaire de l’Europe,
  • Assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

L’agriculture française s’est considérablement modernisée pendant une trentaine d’années. Le triptyque Tarifs extérieurs communs, quotas de production et régime de prix minimum a permis de tendre vers une « Europe verte », c’est-à-dire un modèle européen agricole assurant à la fois la sécurité alimentaire, la modernisation d’une agriculture aux structures et productions diversifiées, l’avenir d’une industrie agroalimentaire d’importance stratégique et une aide au développement des pays les plus pauvres. Le tout, au sein d’une Europe se dotant à travers cette politique de préférence communautaire d’une stature agricole de premier plan – économique, commerciale et, en dernier ressort, politique – lui permettant de peser significativement sur les marchés internationaux et de compter face aux grands ensembles mondiaux.

Hélas, le bel édifice a été détruit par les technocrates de l’Union européenne, destruction acceptée par des gouvernements démissionnaires : l’abandon des organisations de marchés avec des prix garantis, l’élargissement à marche forcée, l’intégration de pays aux règles fiscales et sociales moins-disantes et aux coûts de production très bas, la directive travailleurs détachés qui permet aux Allemands de faire venir de l’est européen des travailleurs « low-cost », l’inflation normative délirante de Bruxelles, ont sonné le glas de cette PAC déjà malade de sa soumission au GATT puis à l’OMC.

Depuis quelques années, la Commission européenne accélère l’ouverture de l’économie européenne aux marchés mondiaux en négociant des traités de libre-échange à tour de bras. Deux accords sont particulièrement dévastateurs pour l’agriculture et l’élevage en particulier et risquent d’entraîner une véritable catastrophe sociale : celui conclu avec le Canada (CETA), entré en vigueur de façon provisoire, sans ratification par les parlements nationaux, le 21 septembre 2017 ; celui avec le Marché Commun du Sud (Mercosur), qui rassemble le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay sur lequel un accord de principe avait été annoncé en juin 2019. Pour des motifs électoraux, M. Macron fait désormais sembler de s’y opposer mais tous les signaux indiquent que cette position est opportuniste et ne se prolongera pas après les élections.

Ces accords permettent l’importation de produits nord et sud-américains, dont les normes et les coûts de production mettent les producteurs européens en situation de concurrence défavorable. Ces produits contiennent aussi des résidus de substances interdites chez nous (OGM, glyphosate, etc.).

Aujourd’hui, l’avenir même de notre agriculture est en danger : dérive vers le gigantisme industriel, dénaturation du rôle et de la vocation des paysans à cause d’une PAC atteinte de délire administratif, dérégulation à tout-va, inégalité des contraintes d’un pays à l’autre, et maintenant grande braderie des terres agricoles européennes !

Rappelons que les prix à la production doivent couvrir les coûts de revient tout en permettant à l’agriculteur de vivre du fruit de son travail, plutôt que de passer par des aides qui s’apparentent à de l’assistanat.

Rappelons aussi que de nombreux agriculteurs et éleveurs ont modifié leurs techniques de travail, pris le risque d’un surcroît de main d’œuvre pour se rapprocher d’une agriculture biologique et sont d’autant plus pénalisés par les importations en provenance de pays à faible coûts salariaux et sociaux.

Rappelons enfin que depuis des siècles les paysans, par leur travail incessant, ont fait pousser des récoltes nourricières, contrôlé les mauvaises herbes, empêché les ronces d’envahir les champs, et entretenu les champs cultivés au cours des saisons. Jamais, pour de tels services, ils n’ont demandé de récompense.


Nos 22 mesures

Notre programme s’articule autour du triptyque « Soutenir, Simplifier, Encourager », fonctionnant à la condition que la France retrouve son poids dans les négociations européennes et mondiales.

Déployer une nouvelle politique pour garantir les prix des produits et les revenus des agriculteurs.

  1. Renouer avec une vraie PAC et ses 3 volets : préférence communautaire, prix garantis et quotas ou mettre en oeuvre une politique agricole nationale.
    • L’Europe doit protéger son marché et n’autoriser que les importations ne faisant pas obstacle à la réalisation de sa politique d’indépendance alimentaire, en instaurant un mécanisme de droits de douane variables. Si nous ne sommes pas entendus, nous rétablirons une politique agricole nationale. Rappelons que les sommes versées par l’Union Européenne à la France pour l’agriculture (7,5 milliards d’euros en moyenne au cours des dernières années et 7,6 milliards en 2020) sont inférieures à celles de notre contribution nette à l’UE : notre pays a versé 25,3 milliards d’euros en 2020 et n’a reçu que 15,8 milliards soit un solde négatif de 9,5 milliards d’euros. Nous avons donc largement les moyens, en cas de rupture avec l’UE, de financer une politique nationale de garantie des prix.
  2. Instaurer et maintenir au sein d’un tunnel « maximum-minimum » des prix garantis
    • Pour les grandes productions agricoles telles que les céréales, le lait ou les viandes, grâce à une régulation adaptée des productions et des marchés.
  3. Exiger l’étiquetage obligatoire du pays d’origine des produits et renforcer la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pour mieux contrôler le respect des lois.
    • Les consommateurs sont dupés par l’opacité créée par certaines marques qui utilisent des slogans pour cacher l’endroit où ils s’approvisionnent.
  4. Instaurer une exception agricole à l’OMC et dans tous les accords commerciaux sur le modèle de l’exception culturelle et rejeter l’accord UE / Mercosur et le CETA.
    • L’agriculture ne peut se réduire à une seule bataille sur les prix. Elle doit remplir d’autres exigences que l’OMC ne lui reconnait pas : assurer la sécurité alimentaire des populations, garantir la sécurité sanitaire des aliments, valoriser les territoires.

Simplifier la vie de nos agriculteurs et alléger leurs charges.

  1. Supprimer les cotisations sociales agricoles qui pèsent sur nos exploitations afin de rendre nos productions plus compétitives.
  2. Mettre fin à l’accumulation des normes et des réglementations écologiques toujours plus absurdes !
    • Aujourd’hui, l’État demande aux agriculteurs de concilier deux impératifs inconciliables : faire face à la concurrence de pays ne respectant aucune norme environnementale et produire avec toujours plus de contraintes. Accompagnons au contraire nos agriculteurs, soutenons leurs initiatives visant des objectifs de qualité et de durabilité.
  3. Soutenir une agriculture à la fois moderne et respectueuse du sol et de la terre et favoriser les agriculteurs français,
    • Notamment ceux qui se tournent vers l’agriculture biologique, par la création et la promotion d’un label unique « Fait en France » pouvant aussi être décliné dans les départements « Fait en France – Nom du département ». Ce label permettrait d’identifier l’origine des produits français avec leurs normes et le savoir-faire local et de :
      • Donner une visibilité aux entreprises agricoles et alimentaires françaises qui proposent aux consommateurs le « fait en France ».
      • S’assurer que les exigences pour la qualification « biologique » soient aussi élevées pour les produits importés que ceux produits chez nous.
      • Permettre aux consommateurs, notamment les urbains éloignés des lieux de production, de trouver dans leurs rayons des produits de leur région ou de leur département.
      • Toucher les 85 millions de touristes en visite chaque année en France.
    • Favoriser les produits à l’exportation.
  4. Revaloriser de 30 % l’aide à la conversion à l’agriculture biologique
    • (Soit une enveloppe de 48 millions d’€ pour l’Etat), aide qui doit arriver en temps et en heure (Les retards dans le versement des aides ne sont pas acceptables. Le soutien aux agriculteurs est une priorité).
  5. Permettre une validation plus souple des trimestre9. Permettre une validation plus souple des trimestres de cotisation vieillesse pour les femmes d’agriculteurs qui ont œuvré à l’activité de leur conjoint et permettre le choix des 25 meilleures années pour le calcul de la retraite des exploitants.
  6. Restructurer la dette des agriculteurs surendettés en créant un fonds par lequel l’Etat serait prêteur en dernier ressort et inciter les banques à financer leurs projets. A titre d’exemple, en cas de difficultés, l’État rachète la dette et la rééchelonne.
  7. Soutenir l’installation des jeunes agriculteurs et instaurer un cautionnement public de 50 % pour les prêts contractés à l’installation. Si des progrès ont été faits ces dernières années en ce sens, il convient de poursuivre les incitations fiscales à l’intention de ces derniers et de leur assurer une visibilité suffisante de l’avenir par les réformes évoquées ci-dessus.
  8. Donner les moyens juridiques de s’opposer à la vente de nos terres à des puissances étrangères qui ne partagent pas nos objectifs de politique publique et limiter par la loi les possibilités d’achats par les ressortissants de pays où les Français ne peuvent pas acheter de terres.

Encourager les bonnes pratiques agricoles et préserver les équilibres de la biodiversité.

  1. Privilégier les circuits courts dans le domaine agricole (la vente directe du producteur au consommateur ou la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire) afin de faire baisser les prix pour les consommateurs tout en augmentant les marges des producteurs.
    • Autoriser notamment la vente libre des céréales, notamment entre un producteur et un éleveur, afin d’éviter les marges des intermédiaires.
    • Encourager les projets alimentaires territoriaux (PAT) qui ont pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines
    • En outre, les circuits courts permettent d’éviter des dommages environnementaux pour la planète (consommation de carburant, émission de gaz à effet de serre).
  2. Lancer un grand plan de production et de consommation de fruits et légumes :
    • Alors que la filière fruits et légumes génère 90 000 emplois directs, 1 fruit et légume sur 2 consommés est produit à l’étranger. Dans ce contexte, il convient de renforcer les campagnes d’information sur les avantages environnementaux et sanitaires de la consommation de fruits et légumes de saisons produits en France.
  3. Soutenir nos terroirs en incitant les collectivités publiques telles que les cantines scolaires à se fournir chez des producteurs locaux et à privilégier le bio français.
  4. Interdire les OGM tels qu’ils sont créés jusqu’ici mais ne pas s’opposer systématiquement aux avancées de la science ni à la recherche agronomique. Certaines découvertes sont très prometteuses comme celles de la prix Nobel française Emmanuelle Charpentier en 2020.
  5. Investir massivement dans la formation et devenir le leader mondial sur les questions de transition écologique et d’agriculture biologique :
    • Réunir l’ensemble de l’enseignement, de la recherche et techniciens opérationnels pour piloter une réforme des contenues en s’appuyant sur les avancées techniques récentes collecter sur le terrain où ça fonctionne.
    • Favoriser les liens et relations public/privé et ainsi avoir une continuité entre l’école et la ferme.
    • Remettre la Biologie et les Sciences Naturelles au coeur de l’enseignement.
    • Recenser, cartographier et faciliter les liens/échanges entre les pôles recherches, l’INRAE et tous les acteurs de la recherche de terrain comme le GRAB, les projets type CASDAR, des groupements agricoles territoriaux de recherches pour centraliser les données. Trop d’éparpillement et parfois des recherches sur un même sujet sans le savoir.
  6. Créer ou renforcer les filières agro-industrielles :
    • Développer et muscler la filière du matériel agricole Français
    • Aider à la structuration d’une filière textile depuis le champ jusqu’au client avec recherche sur différentes fibres végétales possibles, productions, transformations, mise en valeurs par la confection haut de couture
    • Encourager les débouchés de la filière bois (Construction, ossature bois, bardage, isolation) et de la filière lin-chanvre.
    • Développer la recherche sur le biomimétisme, la pharmacopée, la bio-chimie, l’herboristerie.
  7. Rémunérer les services éco systémiques rendus par les agriculteurs dans les zones à handicap naturel (rémunérer spécifiquement l’entretien des haies) mais aussi les pratiques traditionnelles de production ou d’élevage qui contribuent à l’entretien des milieux naturels.
  8. Mettre en place une politique volontariste de gestion de l’eau incluant la possibilité de retenir l’eau excédentaire de l’hiver pour l’utiliser l’été.
  9. Encourager une agriculture de régénération des sols
    • Lutter contre l’érosion et la perte de terres arables par l’accompagnement des bonnes pratiques de l’agriculture de conservation des sols.
    • Mettre en valeur la séquestration du carbone par des applications vertueuses de l’agro-écologie, notamment en réintroduisant l’arbre dans les systèmes agricoles par l’agroforesterie.
    • Favoriser la diversification des productions afin de créer des cycles de rupture contre les parasites et les mauvaises herbes.
    • Favoriser la sélection des plantes les plus rustiques (résistantes).
  10. Protéger et développer la petite faune sauvage (perdrix, faisans, lièvres) en réhabilitant notamment ses habitats naturels (haies, zones humides…) et améliorer la régulation du gros gibier (notamment du sanglier).