L’Afrique qui paraît, pour l’instant, relativement épargnée sur le plan sanitaire, a-t-elle les moyens de faire face aux conséquences de la crise…?
A l’heure où tous les États du monde sont engagés dans la lutte contre la pandémie de coronavirus, l’Afrique semble être une des régions les moins impactées, avec seulement un peu plus de 23 000 personnes contaminées et à peine 1200 morts[1]. Même s’il convient de relativiser ces chiffres en raison d’une certaine opacité « culturelle » qui entoure généralement les données recueillies sur ce continent, force est de constater que le covid-19 frappe, aujourd’hui, moins durement les Africains. Scientifiquement, on sait qu’il existe une forte corrélation entre les investissements alloués à la chaîne sanitaire et la capacité à combattre une épidémie. Sous un autre angle, et malgré la gravité du sujet, il faut se féliciter de ses faibles conséquences sanitaires sur l’Afrique, car compte tenu de la taille démographique de ce continent, les pertes humaines en seraient démentielles, autant pour les Africains eux-mêmes, que par ricochet pour les pays européens.
En revanche, il ne doit surtout pas nous échapper que l’Afrique est particulièrement sensible aux aléas de la conjoncture internationale. Lors de la crise financière de 2007-2008, les économies africaines ont encaissé de plein fouet le ralentissement de la production mondiale et la baisse corrélative du prix des produits exportés. De facto, l’Afrique, étant principalement exportatrice de matières premières, a dû faire face à une baisse très sensible de ses revenus. En situation de crise, ce phénomène est d’ailleurs accentué par la fuite des investisseurs (IDE)[2], déjà traditionnellement frileux vis-à-vis de ce continent[3]. Faute de recettes d’exportations, et d’investissement pour soutenir l’effort de développement, les pays africains n’ont pas eu d’autre alternative que de recourir à l’endettement pour combler leurs déficits budgétaires. Ainsi, la dette extérieure publique a doublé en 10 ans pour atteindre environ 365 milliards $ US[4] (dont 145 vis-à-vis de la Chine).
Pour complexifier le problème, la dette africaine est fortement fragmentée. Près de la moitié serait, en effet, dans les mains d’investisseurs privés, que l’on nomme communément « la finance de l’ombre »[5], car elle concerne des acteurs qui opèrent, hors de la sphère des investisseurs institutionnels, en effectuant des transactions non visibles sur les bilans comptables.
Debout la France, et son Président Nicolas Dupont-Aignan s’insurgent régulièrement contre ces pratiques financières désastreuses qui ont déjà conduit à la crise de 2007-2008 et pour lesquelles, après coup, les instances internationales avaient appelé les États à plus d’orthodoxie financière. Où sont donc passées les bonnes intentions affichées après la crise des » subprimes « [6] ?
Les perspectives économiques et financières pour l’Afrique sont très inquiétantes et le développement de ce continent paraît encore bien compromis par le tsunami financier et économique qui résultera inexorablement du covid-19 …….
En effet, il est vraisemblable que les pays africains vont devoir, à 10 ans d’intervalle, être à nouveau durement confrontés aux effets d’une crise financière et économique latente et dont le coronavirus sera probablement, à court terme, le déclencheur. Le choc attendu, selon les experts économistes, pourrait être beaucoup plus intense qu’en 2007-2008. C’est donc légitimement que les ministres africains des finances ont appelé à l’exonération des paiements des intérêts sur la dette et les obligations souveraines[7].
Cet appel a été relayé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI)[8] sous la forme d’un allègement de la dette des pays les plus pauvres. Toutefois, dans les faits, le soutien n’est apparemment qu’une aide d’urgence, sur la base d’un fonds d’assistance et de riposte aux catastrophes qui a déjà été utilisé[9] pour les pays impactés par Ebola. Ce Fonds serait aujourd’hui à hauteur de 14 milliards $ US[10], en ressources immédiatement disponibles. Il est le fruit des donateurs des pays membres du G20. Outre cette aide, un allégement pourrait consister majoritairement en de nouveaux prêts et à la marge à des remboursements des dettes existantes auprès du FMI[11] . Ajoutée à cela, la complexité due à la fragmentation de la dette évoquée précédemment, et l’on comprend que l’exercice peut s’avérer difficile. Cela ressemble plus à un cercle vicieux, où l’on donne d’une main ce que l’on reprend d’une autre. On voit mal, dans ces conditions, comment les États africains pourraient sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent enfermés. Une fois encore, la mondialisation et les politiques néolibérales soutenues par les institutions internationales, les intérêts financiers, avec la complicité de l’Europe et de nos gouvernements, conduisent à des échecs patents qui ruinent les peuples. L’Afrique devra payer encore un lourd tribut à cette nouvelle crise.
L’appel à une annulation pure et simple de la totalité de la dette des états africains est la seule voie acceptable. Il est indispensable de conduire ce continent vers un développement durable et offrir, enfin, à certains États africains la possibilité de sortir de la pauvreté…
Interviewé sur RFI le 15 avril dernier, Emmanuel Macron nous annonce qu’il est favorable à une annulation de dette massive. Pourtant, dans la foulée, il nous indique que les représentants africains demandent un moratoire, car ils pensent que l’annulation : « ils n’y arriveront pas tout de suite ! »
En d’autres termes, le Président de la République nous explique qu’il faut opérer par étapes. D’abord, tous les bailleurs de fonds[12] s’engageront à ne pas exiger les intérêts de la dette pendant la phase de crise[13]. Ensuite, il conviendra de prendre le temps pour étudier les étapes de restructuration de la dette africaine. Voilà une manière élégante de dire tout et son contraire, il n’est plus question d’une annulation de la dette, mais d’un échelonnement de celle-ci dans le temps. En clair, l’Afrique est condamnée à traîner encore, pendant quelques années, sa dette, sachant qu’une fois la phase de crise passée, les États africains seront à nouveau éligibles au règlement des intérêts. C’est un subtil tour de passe-passe pédagogique auquel Monsieur Macron nous a déjà habitués et qui conduira à un quasi-retour inévitable à la case départ. Dette africaine il y a, dette africaine il restera.
Le discours « macronien » n’est, comme toujours, qu’un effet de manche destiné à lui permettre de se redonner une stature internationale, à un moment où la gestion de la crise coronavirus par la France est montrée du doigt dans bon nombre de pays à travers le monde.
Par ailleurs, c’est aussi, ne nous y trompons pas, une démarche électoraliste vis-à-vis d’une population d’origine immigrée qui reste sensible à la manière, dont les préoccupations de leurs pays d’origine, est appréhendée. Notre Président de la République soutient qu’il veut rompre avec le paternalisme et faire de l’Afrique un partenaire[14]. Or, dans les faits, le partenariat dont il s’était fait le chantre n’a toujours pas vu le jour.
Debout-la-France et son président Nicolas Dupont-Aignan défendent une autre vision de partenariat avec l’Afrique, à savoir que « le développement de l’Afrique est l’intérêt de l’Afrique, mais c’est aussi le nôtre. »[15]
Le fardeau de la dette exige une stratégie globale et une solution pérenne négociée si l’on veut éviter qu’elle ne se reproduise de manière cyclique, tout en protégeant équitablement les créanciers comme les emprunteurs. Dans ce contexte, l’effacement, pur et simple, de la dette et de ses intérêts est une condition, sine qua non, à la réussite de ce partenariat. Il devra donc être contractualisé entre chacun des pays africains concernés et les bailleurs de fonds, afin de responsabiliser les différents acteurs à travers des objectifs de développement identifiés[16]. De toute évidence, la décision peut, d’ores et déjà, être prise. La phase de négociation proprement dite qui portera, ni plus ni moins, sur le financement du fonds d’amortissement nécessaire au rachat de la dette pourra être, quant à elle, échelonnée dans le temps.
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Le développement de l’Afrique est subordonné à bien des contraintes spécifiques (politiques, financières, économiques, environnementales, énergétiques et industrielles, sociales…etc) qui rendent depuis plus de soixante ans l’exercice difficile. Une opportunité voit le jour avec la crise du coronavirus pour tracer un trait définitif sur le poids de la dette des pays africain. Bien sûr, cet effacement de la dette ne peut se faire sans conditions réciproques pour les États africains. Il leur faudra prendre des engagements sur un retour significatif de l’immigration installée en France, sur l’adoption de politique d’encadrement démographique contrôlée, sur la garantie de respect des droits et des libertés individuelles, notamment celles des femmes et sur la mise en œuvre d’une lutte réelle contre la corruption et le trafic, quelle qu’en soit la forme.
Avec Nicolas Dupont-Aignan et dans le prolongement de l’esprit gaullien qui anime notre mouvement, nous soutenons une nécessaire coopération entre des États-nations indépendants, dont le préalable sera de libérer totalement les Africains du carcan de leur dette et de l’austérité dans laquelle ils ont été enfermés depuis trop longtemps.
François Rondot
Délégué national Défense et Sécurité nationale
Délégué national adjoint au développement de l’Afrique
[1] Source : reportage RFI du 16 avril 2020
[2] Investissements directs étrangers (IDE)
[3] Les IDE plongent de 14,5 milliards € à 5,5 milliards € entre 2007 et 2008- Source Cairn info l’Afrique face à la crise du 01/01/2010
[4] Source : Banque Mondiale et FMI soient 336 milliards €
[5] Le Point : La dette africaine du 17/04/2020
[6] Prêts à haut risque
[7] Obligations émises à moyen/long terme par un État dans une devise autre que la sienne (généralement en $ US) et qui prévoit le remboursement de la totalité du capital à l’échéance
[8] Communiqué de la Banque mondiale au G20 du 25 mars 2020
[9] Environ 100 milliards $ US versés aux pays impactés par Ebola ( 92 milliards €)
[10] Dont 1,5 milliard € versé par la France -Source RFI : Interview d’Emmanuel Macron du 15/04/2020
[11] Source France Culture : Coronavirus : le FMI appelle à l’effacement de la dette des pays les plus pauvres du 14/04/2020
[12] La Chine, la Russie,les membres du club de Paris, ainsi que l’ensemble des économies du Golfe, et tous les bailleurs multilatéraux et privés
[13] Sans préciser la durée de la phase de crise
[14] Discours de Ouagadougou- source :Les Échos du 28/11/2017
[15] Programme politique DLF de l’élection présidentielle 2017 : Le grand partenariat entre la France et l’Afrique
[16] Objectifs : maîtrise de la croissance démographique, retour de l’immigration au pays, droits et libertés individuelles notamment des femmes, éducation, et formation professionnelle, lutte contre la corruption, stabilité politique, règlement des conflits…