Manuel Valls, Laval des temps modernes

La semaine dernière, le premier ministre a présenté le détail des 50 milliards d’économies d’ici à 2017, allant défendre le tout sur France 2. Une persistance effarante dans une politique qui ne marche pas depuis plus de 3 ans, un biais néolibéral marqué et un oubli incroyable des leçons du passé.

Une austérité démentielle et suicidaire

Comme ceux qui ont mené dans le passé une politique d’austérité, Manuel Valls a récusé ce mot, parlant d’effort et s’appuyant sur le maintien de créations de postes dans la fonction publique. Mais cette langue de bois était totalement contredite par l’intervention de François Lenglet qui rappelait juste avant que si on additionne les mesures des deux premières années du mandat de François Hollande et de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy (60 milliards de hausses d’impôt), alors jamais la France n’avait connu un tel plan sous la Cinquième République. Si nous n’atteignons pas les extrêmes de certains pays, Manuel Valls va bien mener néanmoins une politique d’austérité extrêmement sévère.

Nicolas Dupont-Aignan a bien raison de prédire un « désastre social et économique ». Car il est bien évident que la baisse de 50 milliards de la demande publique va, comme partout ailleurs, peser sur la consommation et donc la croissance. Si certaines économies ne sont sans doute pas injustifiées, la baisse uniforme du pouvoir d’achat des retraités et des fonctionnaires ne peut rien apporter de bon. Il faut rappeler ici que ce sont ces politiques d’austérité qui ont plongé le continent européen dans une seconde récession en 2012-2013, qui a provoqué une nouvelle hausse du chômage. La majorité mène ici une politique comparable à celle de Laval en 1935, malgré de nombreux avertissements.

Les dangers de la politique de l’offre

Il faut absolument lire ce papier de Paul Krugman, prix Nobel d’économie, qui met en pièces la politique économique suivie depuis 2012 : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité ». Il évoque « la faillite intellectuelle » de ce président qui reprend « la faribole depuis longtemps discréditée qu’on appelle la loi de Say », souscrivant « aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées ». Il faut rappeler ici que Krugman avait également dénoncé la capitulation européenne du début de mandat, avec le choix de ratifier la camisole budgétaire contre un illusoire et minuscule plan de croissance européen, « pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge ». Les faits lui ont donné raison.

Cette politique de l’offre est aussi injuste qu’aberrante. Injuste parce que chaque euro de baisse du coût du travail est un euro prélevé sur les ménages. Voici donc un parti dit de gauche qui s’en prend aux conquêtes sociales du passé alors même que les inégalités explosent partout dans le monde et qu’inversement les plus riches et les multinationales ne se sont jamais aussi bien portés ! Et cela est aberrant car cela mène forcément à moins de croissance même quand on est le seul pays à le faire en Europe (cas de l’Allemagne avant la crise) et si d’autres le font, c’est une course sans fin au moins-disant social et salarial sachant que le travailleur bulgare coûte 10 fois moins cher que le français…

Le discours du premier ministre était tout aussi navrant et il faut espérer que Krugman l’ait vu pour l’exécuter sur son blog. Nous avons eu droit à tous les poncifs néolibéraux, chose assez logique pour une majorité qui baisse les retraites et les salaires des fonctionnaires pour baisser les coûts des entreprises… Il a affirmé que nous vivons depuis 30 ans au dessus de nos moyens, dénoncé le niveau de dépenses publiques et défendu la baisse des impôts, comme le fait Jean-François Copé. Manuel Valls a eu le culot de dire que les efforts sont équitables alors que toute la stratégie de la majorité consiste à réduire le coût du travail pour les entreprises ! Voilà à quoi mène la soumission à l’anarchie néolibérale.

Il est tout de même effarant de voir le gouvernement persister dans une politique qui échoue depuis plus de trois ans, outre le fait d’être proche de celle de la majorité précédente. Il n’y a aucun espoir social à avoir du Parti « Socialiste », qui préfère la mondialisation et cette mauvaise europe au sort des Français.

 

Laurent Pinsolle,

Délégué national à l’Equilibre des Comptes publics et au Patriotisme économique