Le Chef de l’Etat souhaite que l’inscription de l’IVG dans la Constitution aboutisse « dès que possible » lors d’un discours pour les 65 ans de la Constitution de la Vème République. « J’ai exprimé mon souhait, le 8 Mars dernier (journée de la Femme) que nous puissions trouver un texte accordant les points de vue entre l’Assemblée Nationale et le Sénat et permettant de convoquer un Congrès à Versailles » .Le texte du projet de Loi Constitutionnelle sera présenté au Conseil des Ministres le 13 Décembre prochain. En 2024, la liberté des femmes à recourir à l’IVG sera irréversible.
A l’article 34 de la Constitution Française, il s’agira d’ajouter : « la Loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une IVG ».
« Rien ne doit entraver la liberté des femmes à recourir à l’avortement. Elle est fondamentale .Pour la garantir pour toutes, nous l’inscrirons dans la Constitution » a tweeté Elisabeth Borne.
Cette démarche fait suite à l’annulation en Juin 2022 de l’arrêt garantissant aux Etats-Unis le droit d’avorter sur tout le territoire. Cette décision ne rend pas les interruptions volontaires de grossesse illégales mais renvoie à chaque Etat la décision d’autoriser, ou non, l’avortement sur son territoire .Plus d’une vingtaine d’Etats Américains pourrait revenir sur le droit à l’avortement, ce qui constituerait « une attaque contre les libertés fondamentales de millions d’Américaines » selon Barack Obama .
A quoi cela sert-il ?
Car en fait, aucun mouvement politique, à l’Assemblée ou ailleurs, ne demande la remise en cause de l’IVG, droit actuellement reconnu dans une Loi ordinaire, et nullement menacé, contrairement aux USA.
N’est-ce pas déconnecté des réalités de terrain ? En 2022, la France a connu un nombre record de 234 300 avortements et un taux de recours à un niveau jamais atteint auparavant de 16,9 pour 1000 femmes en âge de procréer .Cette décision n’est-elle pas en total décalage avec les urgences de la France en matière sociale ? Grâce aux études de la DREES, le gouvernement ne peut ignorer que les femmes aux revenus les plus faibles ont d’avantage recours à l’IVG que les plus aisées. Beaucoup de femmes se tournent vers l’IVG à contrecœur sous les pressions masculines jusqu’à la violence, de l’entourage et pour des raisons économiques. Est-ce une vraie liberté ? Un vrai choix ? l’IVG s’avère un marqueur d’inégalités sociales qui devrait alerter les pouvoirs publics .Une priorité politique devrait être de conduire une étude qui analyse les causes, les conditions et les conséquences de l’IVG en France pour mettre en place une vraie politique de prévention pour éviter ce qui reste un drame pour beaucoup de femmes, selon le terme de Simone VEIL. Cette liberté « irréversible » répond-t-elle aux besoins de celles qui doivent être protégées des pressions sociales et économiques.
La société s’est progressivement détournée des détresses et devrait voir son échec dans l’éducation, l’accompagnement et le soutien social, économique et humain de ceux et celles qui en ont besoin. On ne peut pas ne pas penser aussi à ces projets de lois concernant la fin de vie, le suicide assisté et l’euthanasie qui arrivent sur la table et concernent les plus fragiles de notre société, alors que les soins palliatifs montrent qu’on peut faire autrement que de donner la mort.
De même, alors que la natalité s’effondre dans des proportions inconnues jusqu’ici, (voir les derniers chiffres de l’INSEE sur la démographie) ne nous faudrait-il pas d’urgence une politique nataliste, une vraie politique familiale, que Nicolas Dupont-Aignan décrit dans son programme. Ne doit-on pas travailler à ce que les droits des femmes soient mieux garantis et mieux promus ?
Que signifiera pour un pays d’avoir inscrit ce droit dans sa Constitution ? Nous serons quasiment le seul Etat au monde. Parmi les Etats Européens, nous sommes le seul pays où le nombre d’avortements ne cesse de grandir chaque année.
Est-ce que ce droit garantit qu’on puisse débattre sereinement de cette délicate question ? Est-ce que ce droit garantit la clause de conscience des médecins et des soignants ? Est-ce que ce droit permettra une véritable liberté d’expression et permettra d’engager un débat sérieux ? On peut s’en inquiéter.
Constitutionnaliser l’IVG, n’est-ce pas un moyen pour clore le débat et se « débarrasser » d’un sujet qu’on ne sait par quel bout prendre mais qui pourtant concerne la société tout entière, un aveu de faiblesse sur notre capacité à débattre sereinement et à combattre les causes, n’est-ce pas un refus de notre société de prendre ensemble ce problème à bras le corps et de protéger les plus fragiles ?
La Constitution est là pour organiser la répartition des pouvoirs et affirmer les grands principes qui doivent diriger l’action politique de notre pays et non pour garantir certaines évolutions sociétales qui sont du domaine de la Loi. Ce pourrait être un précédent qui pourrait être invoqué pour d’autres évolutions sociétales et la Constitution finirait par perdre sa cohérence et sa lisibilité.
En cette période de grandes difficultés pour les Français : sociales, économiques, financières, qu’un manque de courage veut ignorer, n’y a-t-il pas d’autres priorités que de faire ainsi diversion ?