Fin de vie : la loi à bout de souffle

Le cas extrême et particulièrement tragique de Vincent Lambert, le procès de Docteur Bonnemaison, viennent dire et redire que la loi, en l’état, ne répond toujours pas à une partie des problèmes posés par la fin de vie. En 2005, la loi dite Léonetti, a constitué un progrès en autorisant l’arrêt des soins si ceux-ci relèvent d’un “acharnement déraisonnable”. Elle a autorisé la sédation des douleurs même si leur traitement peut accélérer la mort, et rappelé le droit d’accès de tous aux soins palliatifs. Mais elle a maintenu l’interdiction de tout geste “actif” d’aide à mourir.

Ses défenseurs affirment qu’elle est mal appliquée parce que mal connue et mal comprise. La vérité est qu’elle est mal appliquée parce que la frontière entre la fin des traitements, une sédation majeure et un geste actif pour aider à mourir est dans beaucoup de cas indiscernable. Et comme les professionnels confrontés à ces situations sont toujours sous la menace d’une mise en examen pour homicide volontaire avec préméditation et d’une interdiction d’exercice, on comprend leur prudence dans l’utilisation d’une loi ambiguë qui ne protège ni les professionnels ni les patients. Vincent Lambert est en effet victime de cette ambiguïté : en mort cérébrale depuis des années, un respirateur artificiel et des perfusions permettent seuls à son corps de rester en vie. Mais est-ce la fin de l’acharnement de débrancher les perfusions et le respirateur ou est-ce un geste actif provoquant la mort ? On comprend dès lors qu’une famille dans la douleur soit déchirée entre les deux interprétations, pour lesquelles penchent tour à tour les juridictions saisies. En première instance, la justice ordonne la reprise des perfusions interrompues depuis plusieurs jours ! Le Conseil d’Etat autorise leur arrêt !

Le lendemain la Cour Européenne a prononcé l'avis inverse. Le Docteur Bonnemaison vient d’être acquitté, le tribunal considérant qu’il a agit avec compassion. Mais qu’a-t-il fait de plus ou de moins que d’autres avant lui qui furent lourdement condamnés et interdits d’exercice professionnel ? Il a pratiqué dans le service des urgences où il exerce des injections de produits sédatifs entraînant le décès de plusieurs patients déjà en fin de vie. S’agit-il d’une sédation terminale ou d’un geste meurtrier ? Il agit seul, hors de toute concertation avec ses collègues et son équipe : mais comment la concertation sur des gestes pouvant relever du code pénal peut-elle s’organiser au grand jour ? Certaines familles l’ont mis en cause, mais d’autres l’ont soutenu.

Son procès a été une nouvelle fois l’illustration de cet impossible frontière entre geste passif d’arrêt de traitement, sédation des souffrances et aide active à mourir. La France doit donc enfin évoluer et permettre à toutes les philosophies, croyances, religions de se retrouver autour d’une loi faite pour tous. A ceux dont la conscience et les croyances rendent impensable tout geste actif d’aide à mourir, il faut garantir qu’aucune décision médicale plus ou moins clandestine ne sera prise contre leur volonté. A ceux qui au contraire, veulent bénéficier d’une aide à mourir dès lors que l’évolution à court terme d’une maladie ne laisse aucun espoir de retour à une vie acceptable, il faut offrir le droit à bénéficier de l’aide des soignants volontaires.

On connaît bien désormais les principes qu’il faut appliquer pour parvenir à une loi qui rassemble les français de toute croyance : directives anticipées des patients atteints de maladie grave, désignation à l’avance de personnes de confiance, collège médical indépendant pour évaluer les demandes d’aide à mourir. Le recours au juge restera toujours possible pour les situations les plus difficiles, mais la transparence de la procédure permettra de ne plus ajouter de drames au drame. 

François MORVAN

Vice-Président de Debout la République

Délégué national à la Santé