On a tort de ne pas lire les pères fondateurs de la République. Car, c’est en puisant à leur source vivifiante que l’on se donnera les moyens de sortir de l’état de crise sociale généralisée dans laquelle le macronisme nous a irrémédiablement plongés. En ce qui concerne la crise que traverse l’éducation nationale, – dont le délabrement, ainsi que l’indiquent les différents systèmes de classement internationaux, n’est plus à démontrer – c’est au philosophe Condorcet, à ses Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791) ainsi qu’au Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique (1792) qu’il faut revenir en urgence.
Si les grands axes que sont l’idée d’un système d’enseignement public universel, apportant au peuple les moyens de favoriser l’émergence des talents individuels et de corriger les inégalités de fortunes, demeurent officiellement à la base du système français d’éducation, d’autres notions, comme celles de liberté, ou de fraternité, semblent avoir été passablement oubliées par les responsables en place. En effet, la puissance publique d’enseignement n’a pas seulement pour fonction d’assurer, par sa puissance corrective, le passage d’une égalité de droit devant la loi, à une égalité réelle ou de fait, en donnant à chacun les meilleures chances de réaliser son bonheur individuel. Dans son Rapport Condorcet est très clair : elle doit former des citoyens éclairés et libres plutôt que des esclaves soumis à la tyrannie gouvernementale du moment.
C’est pourquoi l’instruction est au cœur du projet républicain de Condorcet, car sans savoir, sans instruction, on dépend forcément des autres, on ne juge pas par soi-même et l’on peut donc, plus facilement, être trompé, manipulé, conditionné, enrégimenté : « mon ignorance me rend dépendant de tout ce qui m’entoure ». Aussi Condorcet appelle-t-il à former une « Nation éclairée », un « peuple de frères », plutôt qu’une collectivité craintive, divisée, dominée par l’ignorance et par la peur, comme le propose depuis plus d’un an et demie, le gouvernement actuel, notamment à travers sa gestion du Covid-19.
Par ailleurs, en plaçant l’instruction au centre de se son programme d’enseignement, Condorcet institue, de fait, celui qui possède le savoir, le maître, l’enseignant, au cœur du dispositif républicain d’éducation. Dénonçant à son époque ce qu’il appelle les « sophismes de l’imposture », il nous donne les moyens de dénoncer, à notre tour, les nouveaux sophistes, notamment les pédagogistes qui ont brisé l’autorité des maîtres et du savoir, en développant une théorie démagogique qui veut que les enseignants soient les « élèves de leurs élèves ». Face à cette imposture il faut revenir en urgence à une conception claire de l’enseignement ou celui qui possède le savoir, celui qui instruit, est respecté par ceux à qui il enseigne et véritablement protégé de toute forme de violence par l’institution scolaire, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
Enfin, si Condorcet insiste dans son Rapport sur l’importance de favoriser une « discipline intérieure des élèves », susceptible de leur apprendre à être « bons et justes », s’il entend enseigner les « principes de la morale sociale », ce n’est pas à une morale gouvernementale ou religieuse qu’il se réfère mais aux grands principes de la morale universelle. Les « élèves de la patrie » dont il parle appartiennent à une « Nation d’hommes libres » et non à une population tyrannisée par les maîtres de l’heure. Comme le dit Condorcet : « Le génie veut de la liberté, toute servitude le flétrit », notamment le génie français !
Michaël Paraire
Auteur de « Ainsi pensaient les Grands Philosophes »
Co-signé par Olivier Weber
Délégué national à l’instruction publique