Face au drame de dizaines de morts, et au risque de guerre civile généralisée et de partition, il faut que la France et l’Europe cessent d’exciter les tensions en Ukraine en prenant parti, sur la base d’un vocabulaire politique d’inculture et de provocation, ne tenant pas compte des réalités culturelles et géopolitiques ukrainiennes.
DLR rappelait, en décembre dernier, quels étaient ces réalités et notamment :
– culturelles, du fait d’une profonde division nationale, entre Russes, Ukrainiens, Ruthéno-Galiciens,
– historiques, dans ce pays qui fut martyrisé par l’union soviétique : (holodomor ou génocide par la faim en 1933 ; extermination des armées de libération nationale en 1954) ; et entre temps par les horreurs nazies.
– économique, un pays très riche tant de ses sols agricoles (tchernoziom) que de ses mines et industries lourdes
– stratégique pour les Russes : bases navales sur la Mer Noire et lieu de passage des oléoducs ou gazoducs vers les débouchés occidentaux.
Dans ces conditions il était aberrant pour l’Union européenne d’offrir de façon provocante à l’Ukraine un rapprochement politique et économique, voire militaire. La Russie, limitrophe sur près des 2/3 des frontières ukrainiennes, ne l’acceptera jamais. Ne perdons jamais de vue que la Russie a entrepris un redressement significatif de son économie et une modernisation incontestable de son armée. Appuyée par la population russophone d’Ukraine voire même d’origine russe, elle interviendrait, si nécessaire, en Ukraine en quelques heures. Elle a même déjà semble-t-il pris ses dispositions, y compris à Odessa, sa base militaire immense au cœur de l’Ukraine.
Nous écrivions en décembre dernier :
« Deux explications peuvent être données à l’origine de la crise actuelle :
– l’incompétence crasse des « stratèges » de la Commission européenne,
– leur inféodation irresponsable à l’OTAN,
Ou les deux, ce qui serait le plus vraisemblable.
Toujours est-il que le Président Ianoukovitch (ancien homme de main du PC), chapitré par Moscou qui l’a fait président, a bloqué le processus de rapprochement avec l’Europe, suscitant les manifestations que l’on voit sur nos écrans. Gageons qu’il saura motiver des manifestations de soutien à son régime, tout aussi puissantes que celles qui viennent de se produire, car les russophones sont aussi nombreux, sans compter les militaires en civil : tout est prêt pour le drame qui infuse depuis la fin de l’URSS.
L’Ukraine pourrait bien alors exploser en deux, puis, peut être trois parties, avec des ondes de choc considérables, voire des répliques dans d’autres pays des Carpates, des Balkans, des Tatras ou du Caucase.
Naturellement des conséquences sur l’approvisionnement en hydrocarbures de l’Occident en découleront nécessairement, ainsi que des tensions diplomatiques extrêmes. Une crise boursière et monétaire, des fièvres sur les cours du pétrole et du gaz. Une guerre civile avec irruption de l’armée russe ? Car la partition, si elle doit se produire, sera autrement plus convulsive que les épisodes slovaque et monténégrin. Et les Russes iront jusqu’au bout, forts d’avoir fait reculer les USA en Syrie. »
Sanctions ciblées agite-t-on ? Or les pays européens, suivant les USA comme des moutons, tels la France, l’Allemagne et la Pologne, ont appelé à des sanctions à l’égard des responsables de la répression. « Ceux qui ont commis ces actes, ceux qui se préparent à en commettre d’autres, doivent savoir qu’ils seront sanctionnés », a jugé le président François Hollande. On peut comprendre sous l’émotion ces déclarations mais attention à ne pas se donner bonne conscience alors que cette tragédie est beaucoup plus complexe et rappelle immanquablement ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie.
Face à cette tragédie, le premier devoir des dirigeants européens –et plus encore de la France- est de tout faire pour l’arrêter, et donc d’abord la comprendre.
1 Les violences doivent cesser des deux côtés. Cette situation est tragique pour le peuple ukrainien et pour toute l’Europe.
2 Dénommer les émeutiers de « pro- européens » est une inepte simplification, destinée à tromper l’opinion publique à l’ouest.
3 La France doit rompre avec sa posture actuelle, au mieux inefficace, sans nul doute dépendante, et au pire dangereuse. Elle doit entamer d’urgence un dialogue respectueux, mais ferme et responsable, avec la Russie, comme elle a failli à le faire dans le cas syrien ; il ne faut pas que l’Europe Centrale s’embrase ni que la Russie ne déclenche une opération militaire pour protéger les populations qui se réclament d’elle.
4 Mais la France doit aussi affirmer très fermement que l’Ukraine devra voter sur son vivre ensemble et son avenir. Il faut d’urgence organiser des élections libres en Ukraine. Les Russes ne pourront les refuser, surtout s’il est clair que les USA ne sont plus derrière le rideau.
Henri Temple
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l’Indépendance de la France