Au mieux regardé comme l’écho folklorique d’une histoire ancienne, au pire comme une vaine nostalgie incapable de faire face aux défis du temps, le gaullisme n’en reste pas moins une idée neuve et moderne. La seule, même, qui puisse sortir la France de la dépression nationale où elle se débat depuis des décennies et enfin rendre un avenir, individuel et collectif, à chaque Français.
Inscrit dans les gènes de la Ve République par le mode d’élection de son président et une pratique tant institutionnelle que politique qui a survécu plus de vingt ans à la disparition de son fondateur, le gaullisme a en vérité été victime au fil du temps de la lâcheté et de la duplicité de ceux qui s’en réclament sur les estrades pour mieux le trahir dans les palais. C’est ainsi sa répudiation progressive qui a mis le pays dans la situation où il se trouve aujourd’hui.
Depuis trente ans en effet, les aspirations majeures de la Nation sont ignorées, ses intérêts vitaux sont laissés en jachère et sa personnalité est niée : une communauté nationale rongée par les communautarismes mortifères à force de s’excuser d’exister, une démocratie en déshérence, une Europe qui abaisse au lieu d’élever, une économie qui produit chômage de masse et inégalités criantes plutôt que bien-être et ascenseur social, un Etat appauvri, faible et impuissant face aux désordres en tout genre qu’il a laissé se propager, une position internationale en peau de chagrin à cause de la mise en berne de toute ambition mondiale… Le bilan est là, terrible et indiscutable. Et dire qu’il y en a encore pour s’interroger doctement sur le pourquoi du noir pessimisme qui s’est emparé de nos concitoyens…
En tout point, par sa vision et son projet, le gaullisme est un combat pour un modèle français qui est l’exact contraire de ce triste tableau.
Fort d’une certaine idée de la France, libre, responsable, humaniste et fière, il n’a pas besoin de consoler les Français, rendus orphelins de leur nation, avec une « identité nationale » de pacotille – fût-elle autoproclamée « heureuse ». Le gaullisme promeut un sentiment national fécond et substantiel, expression de ce que nos héritages historiques ont de meilleurs et ce, au service d’un projet national sérieux, exigeant mais ouvert. Car endosser l’universalisme de la France n’exclut pas, tout au contraire, d’assumer nos exceptions nationales, c’est à dire la singularité de la France dont il ne faut plus rougir. A l’heure du tout-zapping et du fric-roi, où le vide identitaire conduit à un délitement des liens d’appartenance collective extrêmement anxiogène – menant jusqu’aux dérives les plus nihilistes –, c’est par nature à ceux qui n’ont pas oublié l’enseignement fondateur de la France libre de sonner l’appel à la résistance : la reconstruction d’un sentiment national qui nous ressemble et nous rassemble, est le premier des chantiers prioritaires.
La résorption de la crise démocratique en est un deuxième. Le gaullisme veut et s’incarne dans une démocratie directe, par excellence participative, seule à même de répondre aux aspirations nouvelles et de réconcilier nos concitoyens avec une pratique politique tombée plus bas que terre. Fidèle à l’héritage de 1789, il est mû par l’exigence fondamentale de l’action pour l’intérêt général sous le contrôle effectif des citoyens. Il s’agit, notamment par le biais du référendum, de permettre l’expression de la souveraineté populaire et de l’imposer à des partis et des coteries qui pensent bien plus souvent à se servir qu’à servir. Rétablir la confiance entre les Français et leurs gouvernants permettra de mener à bien les réformes nécessaires (sur les retraites, l’assistanat, la réforme de l’Etat,…), grâce à l’assurance que chacun accomplisse sa part et perçoive les bénéfices des efforts consentis.
Mais remettre sur ses deux pieds la démocratie française ne suffira pas sans une profonde réforme de l’Union européenne. Car l’Europe, aujourd’hui, au lieu de favoriser les coopérations à la carte dont ont besoin ses États-nations, s’entête dans le projet fou de leur dilution autoritaire, impossible et tragique. Intransigeant sur la souveraineté et la défense des intérêts de la Nation, le gaullisme ne peut que faire valser l’Europe bruxelloise, inefficace et étouffante, dont crèvent la France et les Français. Etablir une Europe des coopérations concrètes et restaurer un partenariat stratégique efficace – car sincère et équilibré – avec nos voisins, à commencer par l’Allemagne, est une nécessité incontournable.
Viendra alors le temps de refonder le pacte économique et social, mis à mal par trente ans d’irresponsabilité néolibérale. L’association capital-travail, autrement appelée « participation », offrira le point d’équilibre dynamique entre l’efficacité du marché et la justice sociale, grâce au partage des fruits du travail comme des décisions. Depuis la fin des années 1960, la participation est une révolution silencieuse qui a beaucoup transformé notre paysage économique et social. C’est une révolution qu’il faut aujourd’hui achever et couronner. L’économie participative est un système à forte cohésion, fondée sur la dignité de l’homme, résistant aux agressions extérieures, d’autant plus innovant et conquérant qu’il est porté par la coopération effective entre la puissance du capital, la force du travail et le volontarisme de l’État. « Mettre l’économie au service de l’homme » est le meilleur moyen, avec la libération des forces vives par l’abaissement des charges et des contraintes, de faire face à une mondialisation qu’il ne faudra pas hésiter non plus à tempérer par une politique de protection souple et agile.
Seul un Etat fort, respecté et stratège, pourra y parvenir. Un Etat capable de faire respecter la France chez elle et hors de ses frontières, de préserver l’ordre républicain, de concevoir et mettre en œuvre une stratégie globale de développement et de défense de ses intérêts économiques et culturels. Les Français attendent son retour car ils savent bien, au fond d’eux-mêmes, que son effacement ne signifie rien d’autre que son affaiblissement. Une police qui fait respecter l’ordre, des juges qui punissent les délinquants, une armée qui force le respect, une école qui élève et donne sa chance à chacun, c’est possible et bien entendu nécessaire ! Cela implique des moyens sans exclure une meilleure gestion des deniers publics. L’Etat doit retrouver en France la place qui est la sienne.
Notre pays remis sur les rails, plus soudé, plus confiant, plus puissant et plus juste, retrouvera presque naturellement son rang international. La France s’enrichit bien sûr du monde mais n’oublions pas, symétriquement, que le monde a aussi besoin d’elle. Oui, il y a bel et bien « un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. » ! Dans le contexte de ce début de XXIe siècle, il y a fort à faire. Il appartient à notre pays de mieux contribuer au respect des nations et du droit des peuples, de rééquilibrer pour ce faire ses alliances, bref de jouer tout son rôle pour tenir son rang et peser de tout son poids en faveur d’un monde multipolaire de paix et de coopération, à la diversité linguistique et culturelle vivante.
Une France reconstruite, rénovée, fidèle à elle-même et parlant à nouveau au monde, est-ce là une vision ringarde de notre pays ? Si c’est le cas, alors nous assumons cette ringardise, et plutôt deux fois qu’une !
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