A travers trois tribunes distinctes, Marc Dolez, député du Front de gauche, Philippe Vigier, président du groupe UDI à l’Assemblée nationale et le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan avec Rama Yade expriment leur opposition à ce projet.
Les députés ont massivement repoussé la semaine dernière le projet du gouvernement de supprimer l’envoi postal des professions de foi et des bulletins de vote pour les législatives 2017. L’exécutif avait déjà tenté le coup au sujet des dernières élections départementales et régionales, sans succès. Il conserve néanmoins le droit de supprimer par décret l’envoi du matériel électoral pour la présidentielle de 2017.
- Marc Dolez, député du Front de gauche (groupe GDR). « Il s’agit d’une rupture d’égalité entre les candidats et d’une atteinte au pluralisme. »
Après avoir tenté à deux reprises de supprimer la propagande électorale sur papier pour les élections départementales et régionales, le gouvernement a de nouveau tenté d’introduire cette réforme dans le projet de loi de finances pour 2017, cette fois à propos des prochaines élections présidentielle et législatives.
Nous nous sommes une nouvelle fois opposées avec force à cette suppression et nous réjouissons du retrait de cette disposition du projet de loi de finances.
Augmentation de l’abstention
La réception de la propagande électorale sous format papier permet de mobiliser les électeurs en leur rappelant leur devoir de citoyen. Elle donne la possibilité aux candidats de s’adresser individuellement et directement à chaque électeur, dans chaque foyer, sans qu’il en exprime la demande. Ce mode de diffusion papier a un impact très largement supérieur à la diffusion des informations sur internet ou dans les mairies qui nécessite une démarche du citoyen. La dématérialisation de la propagande électorale obligerait les citoyens à aller chercher l’information et favoriserait ainsi l’abstention.
En outre, il semble pour le moins contradictoire d’avoir simplifié les démarches d’inscription sur les listes électorales afin de diminuer l’abstention (Loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales) et de proposer parallèlement une mesure qui la développerait.
Atteinte à la démocratie
Cette proposition de dématérialisation de la propagande s’inscrit clairement dans la lignée de la réforme, adoptée il y a quelques mois, sur le temps d’antenne des candidats à l’élection présidentielle (Loi organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle). Le principe « d’équité » substitué à celui d’égalité du temps de parole renforcera l’inégalité médiatique des candidats : ceux qui bénéficient habituellement d’une large couverture médiatique seront surreprésentés dans les médias jusqu’au jour du début de la campagne officielle (soit 15 jours avant l’élection). Tandis que les « petits candidats » n’auront qu’une faible visibilité durant cette période décisive. Cette modification pénalisera donc les « petits candidats », qui ne pourront bénéficier d’une stricte égalité de temps de parole que durant les quinze jours précédant le scrutin.
Il s’agit d’une rupture d’égalité entre les candidats et d’une atteinte au pluralisme, fondement de la démocratie.
La suppression de l’envoi de la propagande électorale papier aurait amplifié cette inégalité. Seules les grandes formations politiques auraient en effet pu avancer les frais nécessaires à la distribution papier de la propagande électorale tandis que les « petits candidats » auraient tout simplement disparu des boites aux lettres.
Fracture numérique et inégalité d’accès à l’information
L’envoi papier permet à chacun, y compris aux citoyens qui n’utilisent pas internet ou bien se trouvent sur un territoire non connecté ou mal connecté, de prendre connaissance des enjeux du scrutin.
La fracture numérique dans notre pays recouvre des réalités diverses : disparités d’accès au réseau, fossés générationnels, sociaux et culturels. La question de l’égalité de traitement des citoyens se pose dès que lors que le numérique devient la voie d’accès à l’information électorale. Au regard de la fracture numérique protéiforme que connaît notre pays, chacun sait qu’il n’est pas possible de garantir une réelle égalité d’accès à l’information politique pour chaque citoyen.
Arguments économique et écologique inopérants
L’argument du gain économique et écologique face au coût porté à la démocratie et au principe d’égalité n’est pas recevable.
En outre, l’économie espérée par le gouvernement de près de 170 millions d’euros semblait exagérée. En effet, les candidats dépassant les 5% se seraient vus rembourser leurs frais électoraux auxquels auraient certainement été intégrés les frais relatifs à l’envoi de la propagande papier.
- Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout la France) et Rama Yade. « Quand le Gouvernement n’arrive plus à convaincre les Français, il restreint leur liberté de choix ! »
« La crise de la représentation politique est désormais maximale et plus personne n’en conteste sérieusement la réalité. Dégoûtés par les « affaires » à répétition, exaspérés par les fausses alternances sans lendemain, aux prises avec un profond marasme économique et social, les Français se réfugient massivement dans l’abstention. La situation empire d’année en année, qui voit notre démocratie sombrer sous le poids des lassitudes, des déceptions, des rancœurs et des peurs accumulées.
Refusant de s’amender, nos gouvernants ne savent plus que manipuler pour se maintenir au pouvoir. Après son offensive de décembre 2015 qui a durci les modalités d’organisation des élections présidentielle et législative au détriment des candidats indépendants (pour eux, complication du recueil des 500 signatures et temps de parole médiatique réduit durant la précampagne), le gouvernement est reparti à la charge sur une autre mesure du même genre sur laquelle il avait alors dû reculer : la suppression de la « propagande électorale » papier – reçue par chaque électeur à leur domicile.
Les députés ont heureusement refusé une nouvelle fois mardi 8 novembre dernier cette dématérialisation. Une première bataille a ainsi été gagnée, mais rien n’est encore joué car le gouvernement pourrait toutefois passer outre ce vote. En effet, les règles d’organisation de la présidentielle sont définies par décret, non par la loi. Le projet de budget examiné par les députés ne visait ainsi que les élections législatives.
Dans le système actuel, tous les candidats sont soumis à une égalité stricte, leurs documents de campagne obéissent aux mêmes standards de format et de poids et la charge financière est intégralement et directement supportée par l’Etat. La suppression de l’enveloppe envoyée par courrier à chaque électeur introduira en revanche une inégalité foncière entre les candidats, au bénéfice des grosses écuries du PS, de LR et du FN : en effet, assurés de dépasser le seuil requis de votants donnant accès au remboursement des frais de campagne (fixé en France à 5% au premier tour de la présidentielle), leurs candidats continueront à envoyer par la poste leur profession de foi aux électeurs et à donc à bénéficier du financement intégral de ces envois, ce que ne pourront pas se permettre des candidats indépendants aux moyens financiers plus limités. Concrètement il y aura réduction de l’offre politique par abus de position dominante.
Et ce n’est pas la diffusion sur internet qui compensera l’avantage de notoriété exorbitant que se paieront les candidats du système tripartisan avec l’envoi de documents papier. Ce seront non seulement leurs programmes qui seront surreprésentés dans l’offre électorale, mais aussi leurs personnalités, qui apparaîtront mécaniquement comme « naturelles », sinon officielles.
Toutes les études montrent ainsi qu’un lecteur n’apporte pas la même attention à un support numérique qu’à un document papier. L’expérimentation de la dématérialisation de la propagande officielle, lors des dernières élections départementales et régionales, l’a d’ailleurs amplement démontré : seuls 2% des électeurs ont consulté le site internet mis à leur disposition ! Enfin, n’oublions pas qu’un Français sur cinq – selon les chiffres 2015 de l’ARCEP – ne dispose d’aucun moyen de connexion numérique et donc d’aucune adresse courriel usuelle et identifiée… Bref, cette mesure bouleversera l’habitude qu’ont nombre d’électeurs d’examiner rituellement les papiers électoraux à tête reposée, en les comparant parfois dans tous les sens, selon leur propre fantaisie. Ce, au seul détriment des candidats indépendants et du pluralisme qu’ils portent, cibles manifestes de cette réforme anti-démocratique, rétrograde et hypocrite.
Mais qu’en est-il de l’argument financier, principale justification avancée par le gouvernement en faveur de la dématérialisation ? Il ne vaut pas mieux : non seulement il exagère le soi-disant gaspillage que constituerait le système actuel, mais surtout il néglige le surcoût pour les deniers publics que risquent d’entraîner les effets pervers de la dématérialisation.
En effet, selon le système actuel, l’envoi à chaque citoyen de la propagande électorale – présidentielle et législative – coûtera en 2017 environ 150 millions d’euros, soit environ 4€ par électeur et moins de 0,05% du budget de l’Etat. C’est aussi le coût de la réserve parlementaire. Alors que la démocratie n’a pas de prix, on ergote sur le coût, inévitable des deux rendez-vous électoraux majeurs de la Ve République, et ce au détour d’une loi technique, en catimini, loin des yeux de nos concitoyens ! Mais c’est d’autant plus malhonnête que, comme l’ont démontré des expériences faites à l’étranger (en Allemagne par exemple), le prétendu argument du moindre coût par la dématérialisation ne tient pas une seconde. Ainsi, l’inégalité de traitement entre les candidats voulue par le Gouvernement n’est pas seulement injuste et attentatoire au pluralisme électoral, elle est aussi dispendieuse…
Des élections moins ouvertes, plus coûteuses et au total dévalorisées… Incapable de convaincre, sentant venir le vent du boulet, le Gouvernement, lancé dans une stratégie de prise en otage de notre démocratie, cherche assurément à restreindre la liberté de choix des électeurs. C’est un déni démocratie ! Parlementaires, militants et simples citoyens, mobilisons-nous tous pour l’en empêcher et préserver notre démocratie, saine et bien vivante ! »
- Philippe Vigier, président du groupe UDI de l’Assemblée nationale. « La vie démocratique n’est ni un luxe ni un privilège, et ne doit jamais le devenir. »
« Après avoir profondément bouleversé les règles du temps de parole pour la campagne présidentielle et tenté de supprimer l’envoi postal du matériel électoral pour les élections départementales et régionales, la majorité récidive cette année, avec une nouvelle tentative d’atteinte à notre démocratie.
La dématérialisation du matériel de propagande électorale pour les élections législatives de 2017, que l’Assemblée nationale vient fort heureusement de rejeter, aurait constitué un déni de démocratie grave, alors même que le peuple a aujourd’hui le sentiment de ne plus être écouté.
En premier lieu, la suppression de l’envoi des professions de foi et des bulletins de vote, qui constitue l’unique moyen d’information d’un quart de la population, aurait constitué une rupture d’égalité entre les citoyens, qui n’auraient pas eu le droit d’être informés de la même manière.
En effet, cette mesure aurait rayé des listes électorales toutes celles et ceux qui ne disposent pas d’un accès à Internet, parce qu’ils vivent dans un territoire rural dans lequel la couverture numérique est imparfaite ou inexistante. Elle aurait également pénalisé toutes celles et ceux qui n’ont qu’une maîtrise imparfaite d’Internet, en particulier les personnes âgées. Enfin, elle aurait été un coup dur pour les foyers les plus modestes qui n’ont pas toujours les moyens d’avoir un ordinateur ou une connexion Internet à domicile.
Deuxièmement, cette mesure aurait avantagé les grands partis politiques, qui ont les moyens financiers d’acheminer autrement les professions de foi ou les bulletins de vote, et ce au détriment des petits partis politiques.
La dématérialisation de la propagande électorale aurait par conséquent constitué un obstacle supplémentaire pour les candidats aux moyens plus faibles. Cette évolution aurait été contraire aux aspirations des Français, qui se reconnaissent de moins en moins dans le clivage entre la droite et la gauche, attendent et espèrent un débat politique plus riche, des candidats nouveaux, qui leur permettent de faire un choix qui soit le plus fidèle possible à leurs convictions Cette rupture d’égalité devant l’information et cette atteinte au pluralisme auraient organisé l’exclusion de milliers d’électeurs et d’électrices et augmenté dramatiquement le taux d’abstention.
Enfin, comment ne pas voir que la suppression de l’envoi postal du matériel électoral aurait fragilisé un de ces moments symboliques, un de ces moments forts, autour desquels s’organise notre démocratie ?
La propagande électorale, dans sa version papier, revêt incontestablement une dimension affective : dans de nombreuses familles, les bulletins de votes et les professions de foi sont étalés sur la table, et donnent lieu à des échanges, des comparaisons entre les programmes, des débats passionnés, parce que les Françaises et les Français aiment la politique ! Alors que le fossé entre la classe politique et nos compatriotes ne cesse de se creuser, il est important de maintenir la réception de ces documents, qui donne lieu à un rituel et participe de notre attachement collectif à la démocratie, du lien de proximité entre le peuple et celles et ceux qui aspirent à parler en son nom.
Les 180 millions d’euros que cette mesure aurait permis d’économiser sont donc bien dérisoires au regard des enjeux fondamentaux soulevés par cette problématique. Commençons par dématérialiser les permis de construire ou les délibérations des conseils municipaux : ce sont des gisements d’économies qui ne mettraient pas en péril les fondements de notre démocratie. La participation à la vie démocratique n’est ni un luxe ni un privilège, et ne doit jamais le devenir. »