Mieux dépenser l’argent public dans l’enseignement secondaire

A l’heure où le baccalauréat et le brevet des collèges  (DNB dans le langage technique) sont l’objet de multiples critiques justifiées (coût extrêmement élevé, multiples dysfonctionnements, consignes données pour adapter les barèmes de manière à faire monter artificiellement le nombre de diplômés), où Vincent Peillon annonce la création de 10 000 postes qui viennent s’ajouter aux 60 000 déjà promis par François Hollande lors de la campagne présidentielle et où la Cour des Comptes publie un rapport très critique par rapport à cette politique gouvernementale et qui fait grand bruit : « gérer les enseignants autrement », j’ai jugé utile de faire le point pour vous avec notre pôle d’experts (et je tiens ici à rendre un hommage appuyé à l’un d’entre eux, Clément Vincent) en m’appuyant sur les réflexions qui nous parviennent de responsables de l’Education nationale (qui souhaitent rester dans l’ombre pour des raisons que l’on peut imaginer).

Derrière son titre qui peut choquer à bon droit car les enseignants – comme les élèves d’ailleurs – ne sont pas un « stock », contrairement à ce que semblent croire certains hauts fonctionnaires, le rapport de la Cour des Comptes est très intéressant car il nous rappelle trois éléments essentiels :

  • La France est au 18ème rang sur 34 pays membres de l’OCDE pour la performance de ses élèves ; l’impact de l’origine sociale des élèves sur leurs résultats est deux fois plus important dans notre pays que dans ceux qui réussissent le mieux ; et cette situation a tendance à s’aggraver ;
  • La France connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier enseignant. En 2011 et 2012, plus de 20 % des postes proposés au concours du CAPES externe n’ont pas pu être pourvus dans six disciplines, dont le français, les mathématiques et l’anglais ;
  • La France consacre à l’éducation des moyens comparables, voire supérieurs, à des pays qui assurent mieux la réussite de leurs élèves. En raison de leur nombre – 837 000 en 2012 –, les enseignants sont en effet l’un des tout premiers enjeux des finances publiques. Ils représentent à eux seuls près de la moitié des agents publics employés par l’État et leur rémunération s’élève à 49,9 Md€ en 2011, soit 17 % du budget général de l’État.

La Cour explique cette crise par les trois points suivants :

  • Il existe un décalage croissant entre la formation des enseignants et la réalité de terrain à laquelle ils sont confrontés ;
  • Le ministère procède à une gestion de masse uniforme et inégalitaire de ses effectifs avec un nombre de gestionnaires très insuffisants comparativement aux autres ministères. Dans ces conditions, les rectorats continuent de mettre en œuvre une gestion de masse et des modes de traitement uniformes ignorant les particularités des élèves et des enseignants ;
  • La richesse humaine que recèle l’école est mal valorisée : les enseignants sont comparativement peu rémunérés compte tenu de leurs diplômes et de leurs statuts de cadres. De plus, les possibilités d’évolution au sein de l’Éducation Nationale sont très faibles…

Ainsi, la Cour conclut que la double crise actuelle (baisse des résultats des élèves et crise du métier enseignant) ne vient pas des effectifs enseignants mais du mauvais emploi des moyens énormes dont dispose le ministère.

Le constat de la Cour des Comptes ne se conteste pas. Les explications sont justes quoiqu’incomplètes car elles se concentrent sur la gestion alors que celle-ci n’est qu’un élément parmi d’autres et toute explication comme toute réforme doit tenir compte de l’ensemble. D’ailleurs, les solutions proposées (faire travailler davantage les enseignants en les payant plus et embaucher davantage de personnels de gestion sans s’attaquer aux racines du mal) ne peuvent nous convenir.

A Debout la République, nous sommes hostiles à toute démagogie et nous ne couperons pas les cheveux en quatre.

La pédagogie est fondamentale mais elle ne doit pas se transformer en une idéologie pédagogiste très en vogue au ministère. Celle-ci a inspiré les deux lois votées ces jours-ci et nuit aux élèves davantage qu’elle ne leur profite. On ne peut nier par ailleurs que la montée de l’insécurité dans l’enseignement secondaire impacte de manière évidente la scolarité des élèves et le quotidien des enseignants. En un mot comme en cent, il faut revenir aux fondamentaux de l’enseignement.

Comme la majorité des Français, nous sommes très attachés aux diplômes qui sont une partie intégrante de notre histoire nationale et des rites de passage fondamentaux pour les jeunes. Cependant, pour qu’ils ne disparaissent pas devant les attaques plus ou moins justifiées dont ils sont l’objet au sein des élites, ils doivent être réformés de fond en comble en mettant fin au culte du chiffre et à la fuite en avant démagogique qui les dévalorise au détriment de ceux qui les obtiennent. Les examens doivent comporter une part plus grande de contrôle continu lequel reflète davantage un niveau d’ensemble lorsqu’il est appliqué avec discernement et permet à la collectivité de ne pas dépenser des sommes disproportionnées, mais ces examens doivent aussi conserver des épreuves finales à fort coefficient qui garantissent une forme d’égalité républicaine.

En amont, tout doit être fait pour mettre les jeunes, et en particulier ceux des milieux modestes et des zones déshéritées de banlieue et de la ruralité en capacité de passer les examens dans les meilleures conditions. Cependant, en aval un diplôme ne doit jamais être non plus une barrière pour ceux qui ne l’ont pas obtenu. Notre système ne comporte pas assez de passerelles pour permettre aux jeunes qui s’arrêtent plus tôt dans leurs études ou qui échouent de trouver leur place sur le marché du travail et dans la vie.

Davantage que de fortes hausses de salaires que les enseignants n’ambitionnent pas sinon la plupart auraient choisi une autre carrière, ils doivent avoir des garanties que leur pouvoir d’achat ne continuera pas de se dégrader. La crise de recrutement vient surtout des difficultés que comporte le métier au quotidien, de l’absence de perspective d’évolution dans la carrière et d’absence de reconnaissance sociale. Les enseignants doivent retrouver toute leur autorité sur leur classe. Ils doivent pouvoir évoluer professionnellement au sein du ministère mais aussi s’ouvrir davantage sur l’extérieur. Ils doivent enfin retrouver la place qu’ils méritent dans notre société au prix d’un renversement des valeurs qui est au cœur de notre philosophie politique. Ce sont bien l’homme et son épanouissement indissolublement liées selon nous à l’intérêt national qui sont le centre de notre projet et certainement pas l’argent même s’il faut convenablement gérer les comptes publics pour que les plus nobles objectifs soient atteints.

Eric Anceau
Membre du Bureau national de DLR
Eric Anceau, Délégué national à l’Assimilation et à la Cohésion nationale