L’euro ou la croissance, il va falloir choisir

 

Le coup de tonnerre de la croissance nulle, conjugué au risque croissant de déflation, à l’explosion du chômage à un niveau historique (3,6 millions d’actifs sans aucun emploi) et à l’aggravation paradoxale des déficits publics, signe – trois ans avant son terme – le fiasco final du quinquennat de François Hollande. Le président de la République est désormais complètement piégé par l’impasse où ses propres choix l’ont enfermé, n’ayant plus comme recours que d’appeler – vainement – à l’aide Bruxelles et Berlin. Ainsi, jamais depuis 1958 la France n’aura été aussi fragilisée et humiliée, à la merci du bon – ou plutôt du mauvais – vouloir de pays étrangers !

Les erreurs du pouvoir socialiste sont bien sûr manifestes : le matraquage fiscal avec la taxe à 75% qui fait fuir les investisseurs, la désastreuse loi Duflot qui déprime le marché du logement ou les entraves en tout genre (par exemple aux emplois familiaux) contre les classes moyennes, aggravent un peu plus, s'il en était besoin, le marasme.

Mais l'essentiel est ailleurs ! Par soumission aveugle aux dogmes bruxellois, le gouvernement socialiste a freiné brusquement sur une plaque de verglas et fait partir la France dans le décor. L'austérité, conjuguée à l'impôt qui tue l'impôt et à la crise chez la plupart de nos clients européens, enclenche ainsi une récession cumulative, une spirale infernale où plus on lutte contre les déficits et la dette par la restriction budgétaire, plus on les creuse en tuant la croissance.

Pourtant, ne nous y trompons pas : les partis traditionnels ne proposent aucune politique alternative susceptible de désembourber la France. Les Verts et l’extrême gauche ne sont pas mieux inspirés que les socialistes, avec des velléités de relance qui, dans le contexte actuel d’ouverture internationale et de monnaie chère, relancerait surtout les entreprises de nos concurrents…Quant à l’UMP et ses alliés centristes, ils en finiraient bien sûr avec les mesures idéologiques de la gauche, mais resteraient aussi soumis que le PS au tabou de l'euro, avec le même résultat. En effet, engager une politique de diminution de la dépense publique de 100 milliards d’euros sans baisser la valeur de la monnaie, comme l'ont fait intelligemment les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, provoquerait un effondrement à la grecque et une explosion sociale.

De gauche ou de droite, aucune politique de rigueur budgétaire n'a de chance de réussir si elle ne s'accompagne pas d'une dévaluation permettant au secteur privé, grâce au soutien à la compétitivité, de prendre le relais de la dépense publique. Toutes les grandes zones monétaires, sauf l'eurozone prisonnière du dogme de non-manipulation monétaire, ont ainsi dévalué depuis 2008 pour relancer leur économie et aider leurs entreprises à conquérir des marchés. Les chiffres sont éloquents : en deux ans (août 2012, premier trimestre 2014), le rouble a ainsi dévalué de 23% face à l’euro, le yen de 47%, le dollar de 13%, le dollar canadien de 23%, le dollar australien de 31%, le réal brésilien de 35%, la lire turque de 36%, le won sud-coréen de 6,5% et la livre sterling de 6%… Rien de surprenant, donc, à ce que la croissance française soit nulle tandis que celle attendue pour 2014 aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne s'élève respectivement à 2,5 et 3,2% !

La France présente de graves faiblesses qu'il lui faut corriger, en particulier une dépense publique insoutenable. Mais encore doit-elle le faire avec intelligence et efficacité, ce qui est impossible avec une monnaie trop chère handicapant lourdement ses exportations et l'investissement de ses entreprises.

Trop cher et impossible à dévaluer, l’euro pénalise en effet la plupart des pays européens – en particulier la France – tout en assurant déloyalement à l’Allemagne une quasi-hégémonie économique. Par ailleurs, la monnaie unique nous oblige, à travers de multiples traités que j’ai systématiquement combattus, à pratiquer les politiques malthusiennes qui creusent notre propre tombe : il faut remonter au gouvernement Laval de 1935 et à son programme revendiqué de « déflation » – qui mit par terre l'économie française à la veille de la guerre – pour trouver un suicide économique de cette ampleur !

Comme Berlin refuse toujours de dévaluer, nous serons bientôt contraints de quitter l’euro. Pourquoi ne pas oser agir plutôt que continuer de subir ? ! En provoquant une dévaluation de la monnaie française de l’ordre de 15 à 20% face aux principales devises, la sortie de l’euro offrirait les conditions du retournement tant attendu. Toutes les études sérieuses l'affirment : par exemple celle, récente, du Conseil d’analyse économique, pour qui « une dépréciation de l’euro de 10% entraînerait en France une augmentation du PIB de 0,6% après un an et de 1% après deux ans. » Une sortie ordonnée et intelligente de l’euro, en favorisant la mise en place alternative d’une monnaie commune européenne et une politique efficace d’assainissement des finances publiques par la libération de nos forces vives (diminution massive des charges et impôts qui pèsent sur les entreprises), reste en vérité la seule porte de sortie à la crise. L'euro ou la croissance, il va bien falloir choisir.

 

Nicolas DUPONT-AIGNAN

Député de l'Essonne

Président de Debout la République