Lettre ouverte au Président de la République en visite à la Réunion le 21 août

Appel à retrouver le chemin de la croissance – Lettre ouverte au Président de la République

Monsieur le Président de la République, malgré votre élection en 2012, la dégradation des principaux indicateurs économiques et sociaux de La Réunion se poursuit. La Réunion s’enfonce dans la crise Depuis juin 2012, notre île compte 12 000 demandeurs d’emplois de plus, soit une augmentation de 10% en deux ans. La croissance économique enregistrée en 2012 et en 2013 est restée faible (0,7%), pratiquement inférieure de moitié à celle constatée en 2011 (1,2%). Les prix ont continué à croitre à un rythme deux fois supérieur à l’inflation enregistrée en France hexagonale.

Tous les moteurs économiques de La Réunion sont en panne. Le secteur du bâtiment et des travaux publics, malgré un léger rebond, a perdu près de 2000 emplois en deux ans. La fréquentation touristique a chuté de 12% depuis 2011. Les exportations, déjà faibles, ont diminué de 2,2% en 2013. Seules la dépense publique et la consommation des ménages continuent de soutenir l’activité.

La situation économique et sociale de La Réunion est le reflet de l’état dans lequel se trouve la Nation toute entière. Mais elle prend dans notre département un relief tout à fait particulier : la croissance démographique y est trois fois plus forte qu’au plan national. La nécessité d’une croissance économique soutenue Jusqu’en 2009, la croissance économique (de l’ordre de 5% par an) était plus rapide que l’accroissement de la population (environ 1,5% par an). L’activité demeurait insuffisante pour offrir un emploi à tous mais elle permettait néanmoins d’accroître le niveau des revenus des ménages.

Depuis 2009, La Réunion ne produit plus suffisamment de richesse et l’évolution du revenu disponible par habitant est pratiquement nulle. Elle serait négative sans le soutien des prestations sociales qui représentent encore 30% des ressources des Réunionnais. Monsieur le Président de la République, La Réunion a besoin d’une croissance soutenue pour faire face à l’arrivée des nouvelles générations, toujours nombreuses, et à l’allongement de la vie des générations anciennes, le plus souvent en grande précarité. Une partie des leviers de la croissance est entre les mains des Réunionnais eux-mêmes. Sans doute, pouvons nous encore améliorer l’efficacité économique de nos dépenses publiques et rechercher un meilleur équilibre dans la distribution des revenus. De même, le grand chantier de la nouvelle route du littoral devrait permettre une relance de l’activité.

Mais ces « remèdes » auront des effets temporaires. Comme dans tous les départements et régions de France, les initiatives locales seront insuffisantes sans de véritables changements dans la politique de la France. Monsieur le Président de La République, les changements dont La Réunion a besoin sont les même que ceux attendus pour la France entière. Nos productions doivent pouvoir se développer dans le cadre d’une politique économique et monétaire plus protectrice pour nos entreprises et pour nos emplois. Notre organisation administrative doit être simplifiée en consolidant les échelons décentralisés qui ont fait leur preuve. Notre pays doit retrouver l’ambition et les moyens de valoriser ses atouts aux quatre coins du monde, en s’appuyant notamment sur son Outre-mer. Pour Debout La République, cela signifie rompre avec la politique européenne actuelle, conduire une réforme territoriale qui renforce les Départements et valoriser davantage la dimension ultramarine de la France. Rompre avec la politique économique européenne actuelle L’euro fort réduit le coût de nos importations et limite l’inflation. Cependant, il handicape lourdement nos exportations, nos productions et donc nos emplois. A quoi bon proposer des produits moins chers si la population réunionnaise a de moins en moins les moyens de les acheter ?

Le développement de l’emploi et des revenus d’activité est vital pour notre Département. Il passe par la relance du tourisme et par l’ouverture de nouveaux débouchés à l’exportation pour nos biens et services. Ce qui exige notamment une dépréciation de notre monnaie, dans un environnement régional où la compétitivité – prix est essentielle, du fait de la faiblesse structurelle du coût du travail dans les pays voisins. Le renforcement de notre compétitivité doit aussi s’accompagner de la protection de nos productions stratégiques. A ce titre, l’acceptation par le gouvernement français du démantèlement des quotas sucriers, décidé par Bruxelles, est une faute grave de conséquences. Elle affaiblira durablement l’ensemble de l’agriculture réunionnaise et notre industrie agro-alimentaire. Elle déséquilibrera aussi l’aménagement du territoire. Pourtant, la politique agricole commune est inscrite dans le traité de fonctionnement de l’Union européenne (traité d’Amsterdam). Elle est sensée garantir les revenus de nos agriculteurs ! De même, le statut de Région ultrapériphérique (RUP) devrait permettre de faire valoir les intérêts des départements d’Outre-mer. Monsieur le Président de la République, il est de votre responsabilité première de rappeler à l’Union européenne ses obligations légales et morales vis à vis des agriculteurs de l’Hexagone et d’Outre-mer.

Aussi, nous demandons que l’Etat rouvre des discussions sur ce sujet afin d’obtenir de nouveaux accords avant 2017. Il n’est pas trop tard ! Il serait anormal que le contribuable français, et donc réunionnais, soit appelé à combler durablement le désengagement de l’Union européenne, déjà largement financée à perte par notre pays. Conduire une réforme territoriale qui renforce le Département La simplification administrative doit faciliter le retour de la croissance. Ce ne sont pas les économies hypothétiques qu’elle est susceptible d’entrainer qui sont en jeu. Ce qui est en cause, c’est notre capacité institutionnelle à définir et à tenir un projet cohérent de développement pour le territoire. C’est la prise de décisions pertinentes et partagées et la mobilisation de nos concitoyens au service de ce projet de territoire. Dans ce cadre, la réforme territoriale que vous proposez n’aboutira qu’à éloigner les citoyens des centres de décision. Pire, elle favorisera les échelons dont la multiplication est pourtant la cause première de la complexification du paysage institutionnel local. Une vraie simplification consisterait à supprimer les régions et les intercommunalités et à revaloriser la place des Communes et des Départements qui ont fait leurs preuves. Le nombre des Départements pourrait néanmoins être réduit à environ 70 dans une logique d’optimisation respectueuse de l’histoire et de la géographie des territoires.

A La Réunion, le Département doit continuer à jouer un rôle central. La situation sociale hors norme, les compétences transférées à la collectivité et l’expertise acquise en la matière, l’importance du patrimoine foncier et des espaces naturels dont elle est propriétaire et qu’elle valorise sur le plan économique et social, donnent au Département des leviers essentiels pour conduire un véritable projet de développement durable du territoire. Monsieur le Président de la République, nous proposons que la réforme territoriale donne au Département les instruments juridiques qui lui permettront d’activer plus efficacement les leviers dont il dispose. Dans le contexte réunionnais, il s’agit avant tout de faciliter une meilleure articulation des politiques publiques pour favoriser le retour à l’activité économique du plus grand nombre de nos concitoyens, touchés par l’exclusion. Valoriser la dimension ultramarine de la France Grâce à ses départements et collectivités d’outre-mer, la France reste une grande puissance maritime mondiale et bénéficie d’une proximité géographique avec les pays émergents notamment dans les bassins de l’océan Indien et du Pacifique. La protection et la valorisation de l’océan et cette proximité ouvrent un champ étendu de coopération et de développement d’activités dans de nombreux domaines. Ces actions doivent s’inscrire dans une stratégie nationale qui associe étroitement les populations des départements et collectivités d’outre-mer. Il ne s’agit pas de déposséder l’Etat de ses prérogatives, mais bien de renforcer l’efficacité de la politique de coopération française qui repose traditionnellement sur le développement de liens d’amitiés entre les peuples. Dans cette perspective, la proximité culturelle des populations françaises d’Outre-mer avec les populations de leur environnement régional est un atout considérable à valoriser.

Dans l’océan Indien, la France est représentée par plus d’un million de Réunionnais et de Mahorais. La diversité de leurs origines européennes, africaines, malgaches, indiennes ou chinoises fait d’eux, les promoteurs naturels d’une certaine idée de la France, ouverte sur le monde et porteuse des valeurs universelles inscrites dans notre devise républicaine. Au delà des actions de coopération décentralisée dont la portée territoriale est par définition limitée, l’importance de la contribution des Réunionnais et des Mahorais au rayonnement de la France dépend de la place qui leur est donnée dans la stratégie nationale arrêtée pour l’océan Indien. La Réunion dispose aujourd’hui des compétences nécessaires pour appuyer une politique française ambitieuse de coopération dans des matières aussi essentielles que l’éducation, l’accès à l’eau, la promotion de la santé, l’autosuffisance alimentaire ou les technologies de l’information et de la communication… Monsieur le Président de la République, le gouvernement français doit reconnaître ces compétences et nous proposons qu’il les intègre davantage dans les programmes de coopération menés par la France dans l’océan Indien.

Les besoins de développement dans l’océan Indien sont immenses et la jeunesse réunionnaise, en recherche de débouchés pour exprimer ses talents, est nombreuse. Mieux défendre nos intérêts et mobiliser tous nos talents Vous l’aurez compris, Monsieur le Président de la République, pour Debout La République, retrouver le chemin de la croissance économique passe d’abord par une meilleure défense de nos intérêts et la mobilisation de tous nos talents. Pour mieux défendre nos intérêts, il s’agit d’obtenir une inflexion sensible de la politique européenne en matière monétaire, agricole et vis à vis des Régions ultrapériphériques. Le démantèlement des quotas sucriers doit absolument être renégocié. Pour mobiliser tous nos talents, la réforme territoriale doit consacrer le rôle pivot du Département dans la définition et la mise en œuvre d’un projet de développement durable du territoire. En outre, la politique de coopération de la France doit davantage faire appel aux compétences réunionnaises pour saisir toutes les opportunités offertes par l’émergence économique de l’Afrique et de l’Asie. Monsieur le Président de La République, la mise en œuvre de ces propositions ne coûtera rien à la solidarité nationale. Elle demande seulement la volonté politique de faire valoir le bon sens et l’intérêt général. Car c’est le bon sens d’accompagner la croissance démographique de La Réunion et c’est l’intérêt général de faire en sorte que les Réunionnais soient acteurs du développement de leur île et de la France.

Hugues MAILLOT

Secrétaire départemental de Debout La République

Tête de liste Outre-mer Debout La France aux élections européennes de 2014.