L’étiquette de Benoit Hamon

Exit Vincent Peillon, voici Benoît Hamon en charge de l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la Recherche. George Pau-Langevin devenant ministre des Outre-Mer, c’est bien Vincent Peillon qu’il remplace, d’autant qu’il se murmure que Geneviève Fioraso pourrait revenir en deuxième semaine ou, comme au Bac, au rattrapage, en tant que secrétaire d’État ! Au-delà des termes convenus lors de la passation de pouvoirs hier, quels sont les positions du nouveau locataire de la rue de Grenelle ?

Dans son livre, Tourner la page (2011) il avance quelques idées pour l’éducation visant à lutter contre la « résidence sociale » (remettre en marche l’ascenseur social par l’école). Le moins que l’on puisse dire est que certaines vont avoir du mal à être mises en œuvre par le nouveau ministre dans le contexte économique du pacte de responsabilité ! En effet, Benoît Hamon voulait aider les étudiants à financer leurs études par une « allocation d’autonomie », et revaloriser les salaires des enseignants. La question aujourd’hui est de savoir si l’objectif des 60 000 postes à créer dans l’Éducation pourra être maintenu. Cette contradiction risque d’être lourde à surmonter… Du point de vue des réformes en cours, Benoît Hamon affiche pour le moment la continuité : il a ainsi fait savoir qu’il maintiendra celle des rythmes scolaires. C’est pourtant celle qui a valu la tête de Vincent Peillon. Benoît Hamon aura à finaliser la mise en place des ÉSPÉ, nouvelles usines à gaz copies conformes des IUFM. Il signera le décret réformant le statut de 1950 des enseignants du secondaire.

Tout se passe comme si Benoît Hamon allait d’ailleurs signer les décrets d’application de décisions prises par son prédécesseur. Pourquoi l’avoir changé alors ? Peillon est allé trop vite. Sa méthode était trop expéditive. Il faut dire que la marche forcée qu’il a imposée aux enseignants aurait valu à tout ministre autre que de gauche quantité de manifestations. Mais comme Peillon est socialiste, l’étiquette a suffi. Ce sont les maires, avec les réalités économiques de terrain, les inégalités flagrantes imposées par la réforme des rythmes qui ont sanctionné V. Peillon. Mais que pourra faire Benoît Hamon ? Pourra-t-il maintenir longtemps la réforme des rythmes malgré les inégalités manifestes qu’elle instaure ? Du coté des étudiants, qu’on se rassure également, le choix de la nomination de Benoît Hamon est fait pour éviter les vagues.

Les syndicats étudiants et lycéens (UNEF, UNL), il connaît bien. Lui-même entré en politique suite aux manifestations contre la loi Devaquet (qui voulait instaurer une sélection à l’entrée de l’Université), il souhaite maintenant la diversification des élites par une discrimination positive à la texane (le Top 10 % students) : sélectionner pour l’entrée en prépa, en IUT, mais aussi l’Université Paris-Dauphine… Entre les contradictions et l’étiquette, on est passé outre les contradictions. L’étiquette est sauve : en figurant à la gauche de la gauche, son rôle est de permettre au pouvoir en place d’attendre sagement 2017. Quant à la méthode, « l’efficacité » demandée par Manuel Valls, Peillon l’avait devancé, il n’en a pas été remercié, ou plutôt si…

Eric Anceau, Délégué national à la cohésion nationale et à l’assimilation