Suicide assisté, euthanasie, aide active à mourir, autant de dénominations que de « techniques » différentes pour désigner ce que l’ADMD appelle « mourir dans la dignité ».
L’avis 139 du CCNE (développer les soins palliatifs et ouvrir à l’aide active à mourir) n’est pas étonnant et ouvre à une possible évolution de la loi pour répondre à la question de la fin de vie dans un contexte où l’hôpital public est en tension et où les soins palliatifs sont jugés insuffisants.
N’ayons pas peur des mots, l’aide active à mourir n’est autre qu’une pratique qui consiste à aider ceux qui veulent en finir avec leur existence. Un paradoxe intervient toutefois : quand on voit quelqu’un qui a envie de sauter d’un pont pour des raisons diverses et dramatiques, le réflexe n’est pas de l’aider à sauter mais de tout faire pour comprendre ses souffrances et le retenir. Alors pourquoi ne pas faire de même dans le cas ici présent ?
Au quotidien nous sommes beaucoup moins exposés à la souffrance de nos congénères et lorsqu’un membre de notre famille souffre, cela nous attriste et nous sommes prêts à l’impensable. L’immédiateté peut être rassurante mais la technique n’a pas vocation à être une réponse face à des situations de souffrance.
Voici maintenant quelques chiffres qui vont vous surprendre. Selon Hubert Tesson (médecin coordinateur de la Clinique Sainte Elisabeth) et par sa longue expérience, la plus faible partie des patients qui demandent l’aide active à mourir la demandent parce qu’ils souffrent dans leur chair. Ensuite, viennent ceux qui la demandent parce qu’ils souffrent psychiquement. De fait, la majorité des demandeurs ne sont autres que les proches des patients en « fin de vie ». Or, dans la plupart des cas, la souffrance psychique et physiologique finit par être atténuée par les équipes de soins palliatifs qui déploient une créativité incroyable pour les soulager.
La question de l’euthanasie n’est rien de moins qu’une question de civilisation alors que celle qui mériterait que l’on se pose c’est la question de l’accès à la dignité de soins. Cela inclut les patients mais aussi – et surtout – l’ensemble des équipes soignantes. Doit-on laisser nos politique s’emparer d’une décision qui, au fond, est celle de la société ? Notre président se fait un devoir de trancher la question de la fin de vie mais est – ce vraiment son rôle ?
Dans les pays qui ont autorisé l’euthanasie, le suicide assisté ou l’aide active à mourir, il existe des exceptions, des règles de minutie… mais les dérives sont dramatiques. Légaliser la sédation profonde et continue en 2016 a induit un droit qui se transforme en désir avec l’idée que la loi est bonne. On peut très bien imaginer que les patients en fin de vie ont voulu en finir pour ne pas être un « poids » pour leurs proches et pour la société. Mais qui sommes nous si nous laissons penser à ces personnes qu’elles sont inutiles et un fardeau pour la société ?
Enfin, la question de l’euthanasie est souvent traitée à l’échelle individuelle du patient alors qu’elle impacte le médecin qui prescrit ou qui agit et l’ensemble de l’équipe médicale qui est autour. La question ne tient pas compte du médecin et de l’avenir du métier. L’équipe de soignants est experte dans la vie mais pas dans la mort. Les réunions de STAFF ont pour objectif de trouver les meilleures solutions pour chaque patient de manière précise et en coordination avec des professionnels du secteur, des bénévoles et les proches. Tout est construit autour du patient pour l’aider, non pas à mourir, mais à être le mieux possible dans ce qu’il vit personnellement.
La prudence dans le domaine de la fin de vie est de mise. Comme disait Montesquieu dans sa lettre persane LXXXIX, » Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante ».