Burkina : de l’exemple de la rue au risque de contagion de la rue

Nous écrivions, il y a deux jours, notre admiration pour le peuple burkinabè, sachant manifester calmement, dignement  et massivement pour affirmer son besoin de respect, de droit, et d'une démo-cratie renouvelée. Malheureusement le peuple n'a pas été entendu. Et il s'est mis en colère.
L'armée d'abord, puis le Président pour sauver la face, ont annoncé la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Cette nuit le Mogho Naaba (empereur traditionnel des Mossi) lui même est intervenu, ce qui est exceptionnel, pour appeler à l'ordre.

M.Compaoré peut il rester jusqu'en 2015, fin légale de son mandat ? Il semble le vouloir mais il annonçait cette nuit qu'il renonçait, enfin, à l'idée de modifier la constitution pour prolonger ses fonctions au delà. Cela suffira-t-il à apaiser l'opposition ? Celle-ci semble néanmoins divisée.
Il ne faudrait pas que, alors qu'elle manifeste pour le droit et la démocratie, elle s'affranchisse du droit et de la démocratie : le mandat présidentiel a un terme légal (fin 2015), et il est souhaitable qu'avec un gouvernement transitoire d'union nationale, sous l’œil de l'armée, il continue au moins un temps, sinon jusqu 'à terme (M. Compaoré en décidera).

Mais il y a eu des morts et il faut que ces meurtres soient éclaircis et  poursuivis, que l'ordre , la Paix civile et l'état de droit soient rétablis.

Or, trois graves dangers menacent le Faso, notre ami :

–le premier, qui n'a été écarté que bien (trop?) tard, c'est le césarisme, si commun en Afrique, lorsqu'un Président élu veut s'éterniser au mépris de la population,
–le deuxième c'est la dictature de la populace, l'instabilité et le désordre installés, avec les exactions de bandes de voyous, et l’impunité des criminels, ce qui a un désastreux effet d’entraînement,
–le troisième c'est l'ambition politique d'un officier (et c'est d'ailleurs ainsi que le capitaine Compaoré est devenu ce qu'il est)

Or l'enjeu, dans une zone minée par le terrorisme islamiste, et sur un continent qui peine à maîtriser ses pulsions politiques, c'est l'exemplarité : bonne ou mauvaise. En appelant hier la foule « à marcher sur l'Assemblée nationale », l'opposition a concouru à ce qui s'est passé » : l’incendie du haut lieu le plus symbolique de la nation. Elle a ainsi fauté en excitant les masses contre l'emblème même de ce qu'elle réclame, et aggravé la crise créée par le Président.

Il reste à parler de la France. Que devait-elle faire? Simplement être elle-même et ne pas considérer l'Afrique comme un monde à part : la France devait dire à haute voix, depuis longtemps , qu'elle n’approuvait pas les atteintes à une démocratie saine qui se tramaient au Burkina Faso. Malheureusement les dirigeants français, depuis des décennies à, présent pensent qu'il faut se tutoyer, copiner entre chefs d'états, se croire hypocritement d'un extraction différente du commun des mortels. Les chefs d'état oublient qu'il sont Chefs d'un État, et se livrent avec délectation à la vanité de se croire d'une essence supérieure, olympienne.

Henri Temple
Délégué national à l’Indépendance de la France