Allemagne-Brésil : les racines d’une humiliation

Dans toute compétition sportive, il y a la part de hasard, de malchance et, dans une compétition à élimination directe, tout peut arriver dans une seule rencontre. Mais l’humiliation subie, chez elle, hier, par l’équipe brésilienne invite à rechercher d’autre causes, moins apparentes. En tout cas, l’écrasante victoire de l’équipe d’Allemagne ne peut que faire réfléchir sur les tendances de fond du football depuis vingt ans.

Plus qu’aucun autre , le football est un sport où la finance domine toute considération sportive, et où il est devenu admis que les victoires s’obtiennent par une débauche de dépenses pour acquérir des joueurs et des entraîneurs vedettes sur un marché international. Mais ce modèle mercantiliste vient sans doute de connaître ses limites. Les équipe d’Espagne, d’Angleterre, où les folies financières des clubs ont atteint des sommets , ont été sorties au premier tour, sans doute victimes d’une maladie dont la France, qui a fait une prestation pourtant honorable, n’est pas encore complètement sortie, où on voit les équipes nationales réduites à une agglutination d’individualités brillantes, mais sans cohésion et sans l’indispensable état d’esprit d’adhésion patriotique qui puisse en faire le ciment.

C’est sans doute ce qui a aussi terrassé l’équipe du Brésil, pays ou le football est passé du statut de sport des enfants des rues à celui de nouvelles stars de la jetset. Mais qu’en est-il de l’équipe d’Allemagne ? Je cède ci la parole à Jean-Michel Quatrepoint, qui dans son dernier ouvrage qu’il faut recommander à chacune et chacun, se livre à une analyse géopolitique qui montre qu’il n’ y a pas de sport de haut niveau sans politique nationale et chacun pourra apprécier ses lignes prémonitoires.

Les Allemands, tels des fourmis,(…) on construit méthodiquement, leur retour au premier rang,(…) en appliquant, au football, les mêmes méthodes qu'à leur économie. Les clubs allemands sont bien gérés. Ils ont fait le ménage dans leurs comptes et n’ont pratiquement plus de dettes. Une exception dans le monde du football européen, dont la dette globale est passée en cinq ans de 600 millions à 1,7 milliard d'euros, dont 800 millions pour les seuls Real Madrid et Barça. Les clubs allemands ont misé, depuis une dizaine d'années, sur la formation, l'apprentissage. Comme les industriels. Dans ces centres, on insiste sur le sérieux, la qualité du jeu et non plus sur le seul physique. Sur les 525 joueurs qui jouent dans les 18 clubs de première division, 275 sont issus de ces centres de formation. En France aussi, il existe une tradition de formation des jeunes. Mais elle a donné lieu à des trafics d'adolescents provenant d'Afrique noire. Ces jeunes ne coûtaient rien aux clubs, qui les revendaient ensuite à l'étranger, dès qu'ils avaient une petite notoriété. Les clubs allemands, eux, plutôt que de faire de la plus-value facile, ont investi : 700 millions d'euros, en dix ans, dans les centres de formation. Tous les joueurs de l'équipe nationale, la Mannschaft, à l'exception de trois, jouent en Allemagne.

En France, c'est le contraire. Autre élément qui tranche, là aussi, avec ce que l'on a vu en Angleterre et maintenant en France : les clubs allemands ne se sont pas vendus aux milliardaires russes ou aux émirs. IIs veulent bien accueillir les sponsors, mais comme le dit sans fard Hans-Joachim §fatzke, directeur général du Borussia Dortmund : « Les investisseurs ayant de l'influence ne sont pas les bienvenus. » Les clubs allemands ont des joueurs étrangers, à l'exemple de Franck Ribéry, mais ils restent largement minoritaires par rapport aux Allemands. Des joueurs qui restent fidèles à des clubs dont la gestion humaine apparaît moins chaotique que dans la plupart des autres clubs européens. Après ces succès en Coupe d'Europe, qu'ils espèrent rééditer en 2014, les Allemands ont un autre grand objectif : la coupe du monde. Au Brésil. Angela Merkel rêve de se retrouver, à Rio de Janeiro, pour assister au triomphe de la Mannschaft…le dimanche 13 Juillet 2014. “ (1)

On se saurait mieux dire !

François MORVAN Délégué national à la Santé, Sport et handicap

(1) Jean-Michel Quatrepoint, Le Choc des Empires, Gallimard, pp 119-121